Jean-Pierre Coffe meurt. Jean-Pierre Coffe est mort. Jean-Pierre Coffe affole les réseaux. Le compagnon de Jean-Pierre Coffe confirme à Ruquier, qui confirme à tout le monde: la disparition du plus réputé chroniqueur gastronomique de France a redonné vie, hier soir et ce matin, aux courbes d’audience de tous les titres de presse francophones bien à la peine en ces jours de somnolence pascale.
La rumeur avait commencé de bruisser tard dans la soirée: Jean-Pierre Coffe se serait éteint à son domicile de Lanneray. Mais il fallait voir avec quelles pincettes, tout de même, les réseaux s’emparaient de l’annonce qui tardait à trouver confirmation officielle: c’est que Jean-Pierre Coffe était réputé aussi pour débouler là où on ne l’attendait pas, et réserver à ses fans quelques surprises décoiffantes. N’allait-il pas surgir tout à coup, bien vivant, pour démentir dans le sarcasme l’annonce prématurée de sa mort? Las. C’est à 00h34, ce mercredi 30 mars, que le tweet de Laurent Ruquier, un ami et complice de longue date, venait doucher tout espoir de résurrection médiatique:
Le compagnon de jean pierre COFFE m'autorise à vous confirmer sa disparition.J'aimerais tant qu'il m'engueule encore.
— Laurent Ruquier (@ruquierofficiel) 29 mars 2016
La nouvelle aussitôt confirmée, les hommages ont commencé à pleuvoir de toutes les rédactions de l’Hexagone et de la francophonie réunies: «Jean-Pierre Coffe, le célèbre pourfendeur de la malbouffe, est mort à l’âge de 78 ans», annonce France Info TV. «Grande gueule et anti-malbouffe, Jean-Pierre Coffe est mort», titre l’Obs. «Jean-Pierre Coffe: homme de secrets et de drames», appond L’Internaute.
Tandis qu’un tombereau de sites, de TF1 à 20 minutes répandent sur la Toile la fameuse vidéo du critique où il s’en prenait à «la merde» que l’on nous vendait à l’étalage:
Une séquence qu’Ouest-France qualifie de saillie fondatrice: «Oui, j’la jette, parce que ça, c’est honteux, c’est pas de la charcuterie, ça, c’est de la merde! Alors que ça c’est bon.» Sur le plateau de La Grande Famille (Canal+), Jean-Pierre Coffe balance des saucisses industrielles en direction de Michel Denisot et Jérôme Bonaldi. En alliant le geste à la parole, Coffe commet là un acte fondateur dans sa façon de chroniquer la malbouffe.» Suivent alors, sur le site du grand journal régional, quatre autres séquences qui constituent la geste héroïque du chroniqueur de cette malbouffe systématiquement stigmatisée. Jean-Pierre Coffe était donc ce que l’on qualifiera de bon client lorsqu’il s’agissait de rire et de fondre sur toutes les impostures que la gastronomie ou la grande distribution peuvent parfois (souvent?) réserver.
Mais, comme le rappelait plus haut L’Internaute dans son titre, Jean-Pierre Coffe était aussi un homme à secrets et à drames. L’Obs en donne donc les linéaments: «Dans une autobiographie parue en mai 2015, Une vie de Coffe, il évoquait son enfance difficile (rejeté par sa mère, placé en famille d’accueil), mais aussi sa souffrance quand son ex-femme avait décidé d’avorter ou lorsqu’il perdit sa fille emportée par un cancer à 37 ans. Il confiait également sa bisexualité.» Tandis que tourne en boucle sur YouTube la séquence où Laurent Ruquier lui rappelle qu’il fut même meneur de revue à l’Alcazar:
Sarcastique, gargantuesque, n’ayant peur de rien ni de personne, Jean-Pierre Coffe, comme le rappellent les innombrables vidéos de ses apparitions, chez Laurent Ruquier, en particulier, était un bretteur hors pair capable de mettre à terre les plus redoutables, comme dans ce mano a mano avec Natacha Polony sur sa participation à la marque leader Price:
Ou comme dans cette délicieuse vidéo du temps où il était lui-même encore restaurateur:
Face à ce personnage rabelaisien et qui ne respectait aucune fausse gloire, la République, un brin empruntée sans doute, a privilégié chez le cher disparu l’art du vivre-ensemble. C’est du moins comme cela que l’on peut comprendre le tweet de 07h22 que François Hollande piaille à la Toile:
Jean-Pierre Coffe était un bon vivant et avait le goût de partager avec ses amis et les Français le plaisir des rencontres et des saveurs.
— François Hollande (@fhollande) 30 mars 2016
Est-il permis de trouver cet amuse-bouche acratopège un rien insipide?
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