Les homards mourront mieux et les chiens vivront mieux en Suisse
Revue de presse
Dès le 1er mars 2018, fini les crustacés jetés vivants dans l’eau bouillante, et fini les colliers anti-aboiement. L’affaire passionne les médias francophones

Les antispécistes suisses peuvent être contents. Il a suffi de deux dépêches de l’Agence France-Presse et de Reuters publiées mercredi pour que les médias étrangers, francophones notamment, s’intéressent à une petite révolution dans une pratique culinaire bien connue: celle qui consistait jusqu’ici à plonger les homards vivants dans de l’eau bouillante. Ceux-ci devront désormais être assommés avant d’être mis à mort. Une ordonnance du Conseil fédéral était en consultation depuis une année, elle entrera en vigueur le 1er mars 2018, selon le résumé qu’en a fait le Forum de La Première de RTS mercredi soir, où les débatteurs invités se demandaient si l’on n’allait pas «trop loin» avec ce nouveau toilettage de la loi.
Lire à ce sujet: Foi d’administration fédérale, le homard mérite une mort plus douce (29.12.2016)
Dans le cadre de cette révision de la loi sur la protection des animaux, le Conseil fédéral souligne en quelque sorte que la maltraitance de ces gros crustacés décapodes, «commune dans les restaurants, ne sera plus autorisée». Car les défenseurs des droits des animaux et des scientifiques aussi estiment que les homards et autres animaux de la même famille possèdent des systèmes nerveux complexes et qu’ils ressentent vraisemblablement de la douleur lorsqu’ils sont ébouillantés. Ou, a contrario, lorsqu’ils sont «refroidis»: selon l’ordonnance, ils ne pourront plus non plus être transportés sur de la glace ou de l’eau glacée et devront être maintenus dans leur «environnement naturel».
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Ce même texte, précise le site des radios régionales France Bleu, «interdit aussi les colliers anti-aboiement», qu’ils fonctionnent avec des ultrasons, des jets d’eau ou de l’air comprimé. En concours ou dans les manifestations animales, les organisateurs devront s’assurer en outre qu’une ou plusieurs personnes sont chargées du soin des chiens. Et en cas de vente par petite annonce, la provenance de l’animal devra être précisée.
Contre la «contrainte de gravité moyenne ou sévère»
En quelque sorte, donc, dans une poignée de semaines, les chiens vivront mieux et les homards mourront mieux en Suisse. Car «pour cuire un homard (ou n’importe quel décapode marcheur, comme un tourteau ou une araignée de mer)», les restaurateurs devront, «au préalable, les assommer par choc électrique ou destruction mécanique du cerveau». C’est ce qu’on appelle, dans un cas comme dans l’autre, un esprit législatif visant à ce que «les animaux ne soient plus soumis à une contrainte de gravité moyenne ou sévère», qu’explique en détail une passionnante vidéo de Radio-Canada Nouveau-Brunswick.
La Suisse interdit la pratique de la cuisson des homard qui consiste à les plonger vivants dans l’en bouillante ! https://t.co/YD7xuMgBxi pic.twitter.com/HuMJZ4BJcd
— Food&Sens (@FoodandSens) 10 janvier 2018
Tout en rappelant qu’on a affaire à un vieux débat entre les militants animalistes affirmant que les homards souffrent et ceux qui font «leur beurre» avec et qui disent «évidemment le contraire», le HuffingtonPost.fr résume: «Moins de cruauté pour les homards, donc «mise à mort correcte» du crustacé.» Ce débat, d’ailleurs semble loin d’être clos, Twitter peut en témoigner:
Déjà on ne fait pas bouillir un homard, on le cuit ! Et en le mettant au congélateur quelques minutes avant, on l'endort, 10 mn suffisent pour la cuisson dans une eau salée frémissante .il faudra vraiment en parler aux Suisses !
— Gonzalez Jean-Marie (@GonzalezJeanMa3) 10 janvier 2018
Ouest France avait déjà listé les différentes techniques qui assurent un moindre mal. Le chef bourguignon Marc Meneau, rencontré dans les Côtes-d’Armor, préconisait de «plonger les homards dans des frisons de bois arrosés d’alcool sucré. Ils les sucent, s’enivrent et roupillent.» Ce qui fait dire au quotidien de Rennes dans un de ces saisissants raccourcis mal informés que – haha! – «le petit pays du secret bancaire en pince pour le roi des crustacés». Ce à quoi ajoutent ces Twittos farceurs:
Sauf que ce omar tué(er), c'est à coup de couteau, ce qui reste donc légal là bas pour le homard si on comprend bien. Problème de riches ! Et le crache alors il a toujours droit à l'eau bouillante ?
— lonvik (@lonvik1) 11 janvier 2018
Car il faut savoir une chose: «Tant qu’il vit caché au fond de son terrier et des océans, n’en sortant que la nuit pour se nourrir, le homard est assuré d’une longue vie tranquille. Pas un hasard si le héros du film The Lobster, du cinéaste grec Yorgos Lanthimos, choisit de se réincarner en ce prince des profondeurs, s’il n’a pas trouvé l’âme sœur au bout de quarante-cinq jours. Il l’a identifié comme étant l’animal plus proche de l’homme»:
Fabien Loup, vétérinaire à l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires, avance au final deux méthodes qui lui semblent plus appropriées pour estourbir le homard: la mort par incision au couteau dans la région thoracique, car «il y a là un point stratégique qui provoque un endormissement immédiat»; ou l’électrocution rapide, avec un appareil récemment mis au point, le Crustastun. Ainsi, conclut le HuffPost non sans lyrisme dramatique, «le claquement et le cognement du homard contre la paroi de la marmite ne sont en rien anodins, et ça ne change rien de refermer le couvercle».
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