Revue de presse
Les internautes qui ont réagi ce mercredi au débat d’«Infrarouge» sur la RTS ont montré leur très fort scepticisme vis-à-vis de Bruxelles. Après l’abandon, la semaine dernière, du projet d’accord-cadre avec Berne, la virulence des propos ne diminue pas

Dans tout le processus du Brexit, «même Boris Johnson n’a pas osé le faire». Ces mots forts, c’est Christian Leffler, l’ancien secrétaire général adjoint du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et négociateur européen dans le dossier de l’accord-cadre, qui les a prononcés en duplex ce mercredi soir sur le plateau de l’émission de débat Infrarouge, sur RTS Un.
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C’est dire si la rupture des négociations provoquée par le Conseil fédéral à Bruxelles, via le président de la Confédération, Guy Parmelin, le 26 mai dernier, a pu tout de même un peu surprendre l’exécutif de l’UE. Mais Christian Leffler a aussi reconnu, pour la première fois du côté de Bruxelles, que l’Union n’avait peut-être pas assez expliqué à la population suisse pourquoi elle tenait à cet accord avec Berne: pour «faciliter» les relations entre les deux parties, prétend-elle.
"Je n'aurais pas hésité autant que nous l'avons fait pour participer au débat public en Suisse pour expliquer la démarche européenne." Dixit l’ancien négociateur européen pour l’accord-cadre dans #RTSinfrarouge https://t.co/Im06MyBNoB
— Jean-Marc Aellen (@jm_aellen) June 3, 2021
C’est donc «une occasion manquée» par la Suisse, dit encore ce fonctionnaire européen à la retraite désormais plus libre de sa parole. «Les autorités ont failli, les institutions ont failli», renchérit Marie Juillard, membre du Comité directeur du mouvement Opération Libero, qui n’hésite pas à prôner une forte réaction de la société civile, sur ce dossier comme sur d’autres.
Et le #PS revient avec son adhésion... c’est typiquement une réaction de mauvais perdants avec le guignol râpeux Nordmann #RTSinfrarouge
— Grutli le retour (@Grutli_is_back) June 2, 2021
Alors, si Isabelle Ory, la correspondante de la RTS auprès de l’Union européenne, a le sentiment que «l’Europe dont on parle en Suisse, c’est celle d’il y a dix ans», c’est que le «grand machin» communautaire est perçu de manière durable comme une usine à gaz dans ce pays, comme l’ont montré les internautes des réseaux #RTSInfrarouge, dont seuls 5 messages sur près de 180 ont été qualifiés en direct de pro-européens. Une majorité qui est d’ailleurs beaucoup moins claire au sein des lecteurs du Temps.
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Mais alors, sur la page Facebook d’Infrarouge, quel déchaînement! A la question «Comment rallumer les étoiles?» que posait Alexis Favre, par ailleurs chroniqueur au Temps, Jennifer Badoux, par exemple, répond que «si c’est pour forcer la Suisse à nettoyer la dette abyssale de la France (plus haut niveau depuis 1949) ainsi que d’autres, nous avons bien fait d’avoir mis fin à cet accord défavorable pour la Suisse». Et Liliana Januzi se dit «très contente que la Suisse ait mis une claque à cette espèce de chantage de l’Union européenne, dirigée de main de fer par la toute puissante Allemagne». La haine de l’UE se résume souvent, en Suisse, à la haine du couple franco-allemand…
« Le Conseil fédéral a failli sur le dossier européen. C’est aujourd’hui à la société civile de prendre son destin en main ! »@mariejuillard dans #RTSinfrarouge
— Operation Libero (@operationlibero) June 2, 2021
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Le Parti socialiste suisse est particulièrement attaqué sur Facebook, lui qui était représenté mercredi à Infrarouge par Roger Nordmann, conseiller national, président du groupe à l’Assemblée fédérale et membre du Conseil de la Fondation Jean-Monnet pour l’Europe: «Le PS est contre la décision du CF, et oublie de dire que l’Union syndicale suisse était contre cet accord-cadre!» relève Bailly Pascal sur le réseau social. Alors qu’Ambroise Gaillard s’attriste de constater que le Vaudois ne sait pas faire la différence entre «nationalisme et souverainisme, deux choses bien distinctes». Mais tout le monde en prend pour son grade, à l’image de Jean-Luc Budry, qui s’adresse directement à la conseillère nationale genevoise vice-présidente de l’UDC:
Mme Amaudruz, la pauvre qui demande toujours qu’on l’écoute. Mais pour ça, il faut avoir quelque chose à dire d’intelligent
Le producteur-animateur n’est pas en reste, à l’attention de qui Simon Nebor écrit: «Message pour Alexis Favre, merci de donner l’exemple et ne dites pas «Europe» quand vous parlez de l’UE; SVP, les mots sont importants et vous devez être le garant d’une communication claire.» D’ailleurs, commente Nicolas Defabiani, cette «UE qui nous donne des cours de démocratie participative, c’est un peu comme si des candidats de téléréalité remettaient en cause la physique quantique». Et lui aussi constate que les participants se sont distingués par leur vocabulaire:
Ils ont prononcé des dizaines de fois «Europe» au lieu d’«Union européenne». Par pitié, soyez plus pros…
Il ne serait pourtant pas correct de ne mettre en avant que les eurosceptiques. Car il y a aussi Dominique Girardin pour aligner les indignations: «Donc d’abord refus d’entrer dans l’UE!!! Ensuite refus de l’accord-cadre!! Et la suite?? Refus des bilatérales?????» Ou Laurence Posternak pour constater que «Mme Amaudruz comme l’UDC dans sa totalité oublient totalement les conséquences de cette rupture sur les relations entre les chercheurs, les universitaires, les étudiants dont nous avons déjà pu mesurer certaines conséquences il y a quelques années. Avez-vous écouté les propos du recteur de l’Unige illustrant des inquiétudes réelles, de l’un de nos derniers Prix Nobel (le professeur Queloz)? Les mesures de rétorsion que subiront une grande partie des étudiants seront terribles»:
Bref – et pour en revenir à la comparaison entre BoJo et le Conseil fédéral – Odile Churchward-Gogniatje n’en peut plus. «J’ai vécu tout ça pendant des années, écrit-elle, encore et toujours avec le Brexit – une catastrophe. Et recommencer avec la Suisse – voir les mêmes effets ici, les uns après les autres… Je ne trouve même pas les mots pour le dire.»
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