Selon la presse russe, «une décision historique pour sauver des vies»
Revue de presse
AbonnéCe mardi, les réactions dans les médias du pays oscillaient entre admiration, sèche ironie et inquiétudes

Au lendemain de la reconnaissance de l’indépendance des territoires séparatistes du Donbass, la presse russe revenait sur les événements de la veille et la réunion de Vladimir Poutine avec son Conseil de sécurité qui a conduit à la fameuse décision.
Le correspondant du quotidien libéral Kommersant adopte un ton ironique avec un long récit consacré aux discussions qui se déroulent habituellement en vase clos et note le désarroi de certains membres du Conseil qui ont osé évoquer la poursuite des négociations avant de reconnaître l’impasse – et la reconnaissance comme seule porte de sortie.
Inquiétudes
Le journal reste inquiet quant à la suite: «Avec la reconnaissance […], la crise ukrainienne ne prend pas fin mais entre dans une nouvelle phase, peut-être encore plus aiguë. Donetsk et Lougansk peuvent soulever la question du rétablissement de leur intégrité territoriale dans les limites administratives des régions, dont la grande partie est sous le contrôle de Kiev. Et il n’y a personne d’autre que Moscou pour les aider dans ce domaine.»
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La presse proche du gouvernement salue quant à elle une décision historique qui sauverait des vies dans une région déstabilisée depuis huit ans. Le quotidien pro-Kremlin Rossiyskaya Gazeta cite en page une les inquiétudes des membres du Conseil de sécurité et du président: «Pour l’Ukraine, les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk sont juste des territoires, pour nous, ce sont des gens.»
Dans les sous-sols
Et de relayer les arguments du président: «Toutes ces années, je tiens à le souligner, les personnes qui vivent dans ces territoires ont été malmenées… Certaines ont été contraintes de se réfugier dans des sous-sols avec leurs enfants… Si la Russie a fait et fait encore des efforts pour résoudre pacifiquement toutes les situations difficiles et tragiques, les autorités de Kiev n’ont pas l’intention de mettre en œuvre les accords de Minsk», a déclaré Vladimir Poutine.
Alors que le parlement russe a approuvé le décret présidentiel, le quotidien interroge le vice-président du Conseil de la Fédération (Chambre haute), Konstantin Kosachev, qui ne mâche pas ses mots: «Les traités avec les républiques populaires représentent une restauration de la justice historique et sauvent des vies humaines. Les habitants du Donbass devaient être protégés des nationalistes radicaux et brutaux en Ukraine animés par la haine de tout ce qui est russe.»
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Selon lui, cette décision est «le principal facteur de désescalade et sert à protéger les populations d’une guerre totale». Plus largement, «les protéger contre les autorités ukrainiennes qui se plient aux exigences des nationalistes et contre une Europe unie dans le système de l’OTAN».
Proche du Kremlin également, le journal Izvestia analyse comment le soutien de Moscou changera la situation pour le mieux. «Ni l’Ukraine ni l’Occident n’ont cure de ces territoires», dit-il, les membres du Conseil de sécurité et des politiciens soutenant une décision qui ne pourra qu’améliorer la situation, notamment celle des civils épuisés par les opérations militaires ukrainiennes, et qui fera entendre aux «partenaires occidentaux les propositions de la Russie concernant les garanties de sécurité et le non-élargissement de l’OTAN».
L’Occident menace la Russie de sanctions au lieu de «contraindre l’Ukraine à la paix», écrit encore le quotidien économique Vedomosti, qui reste factuel en donnant des chiffres évoqués lors de la réunion: plus de 68 000 réfugiés que la Russie est en train d’«accueillir». Plus de 800 000 citoyens russes dans le Donbass: «Ce sont nos proches et la Russie ne peut les ignorer. Les Américains mènent des opérations spéciales en cas de danger pour leurs citoyens.»
Une guerre des nerfs
Dans l’opposition, Novaya Gazeta parle d’une guerre des nerfs mais craint qu’elle n’atteigne son point culminant – une sorte de «dépression nerveuse». «Dans ce jeu de poker fou, les enjeux sont exacerbés, les cartes sont cachées, les actions des joueurs sont imprévisibles, on ne sait plus où est la réalité et où est le bluff.» Les «trucages médiatiques et politiques» et surtout la participation à ce jeu dangereux d’un nombre croissant d’acteurs pourraient devenir imprévisibles et «difficiles à freiner», car «la politique se déplacerait sur le terrain, une situation moins gérable».
Un autre avertissement sur un conflit qui dépasserait les frontières du Donbass est exprimé par un éditorialiste de Kommersant qui compare la situation à celle des guerres dans les Balkans et rappelant le bilan catastrophique – politique, économique mais surtout humain – dans ces pays. «Il vaudrait mieux que ces précédents, dans la crise ukrainienne, servent d’appel à ne pas répéter les erreurs du passé».
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