Semaine de tension budgétaire pour l’Italie désobéissante
Revue de presse
Parallèlement à son différend avec Bruxelles, qui compte obtenir des réponses ce lundi, le gouvernement de Giuseppe Conte attend vendredi le verdict de l’agence Standard & Poor’s. La panique monte dans les médias libéraux

D’abord, la parole est donnée à M. Roberto Benigni:
I have always admired Roberto Benigni and I agree with him. Europe is not only an exchange of rules, money and legal amendments. It is an exchange of dreams that we must protect for our future generations #IamEuropean 🇪🇺 pic.twitter.com/Je0pNHPUQ0
— Guy Verhofstadt (@guyverhofstadt) 20 octobre 2018
Ensuite au premier ministre italien, Giuseppe Conte, qui a convié les médias étrangers à une conférence de presse à Rome ce lundi à 10h. C’est l’heure limite fixée par la Commission européenne pour obtenir des précisions sur son projet de budget jugé bien trop dispendieux aux yeux de Bruxelles. De facto, si elle «riposte, les populistes italiens affirmeront être les victimes de la bureaucratie bruxelloise – une tactique qui a fonctionné jusque-là», juge Newsweek Polska. Inquiète des choix de la coalition populiste au pouvoir à Rome, l’agence de notation Moody’s a déjà baissé d’un cran vendredi la note de l’Italie, la plaçant juste au-dessus de la catégorie spéculative (junk bonds), note le Corriere della Sera. Et ce vendredi, c’est Standard & Poor’s qui donnera son verdict.
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Cela fait depuis le début d’octobre que la marmite transalpine bout à gros bouillons. Le 1er de ce mois, la Neue Zürcher Zeitung, dans un article repéré par le site Eurotopics, ne prétendait rien de moins que Rome se servait «de la dette pour faire sortir l’Italie de la zone euro» et qu'«une nouvelle dégradation» de la notation des agences «pourrait entraîner de nouveaux troubles sur les marchés financiers». Déduction de la NZZ, qui s’appuie sur un analyste du fonds de gestion allemand FERI: «Le véritable objectif du gouvernement pourrait être de provoquer à dessein une aggravation de la crise de l’euro, pour «vendre» ensuite une sortie de l’euro jugée inévitable. Le but réel des populistes» de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème) «serait alors atteint».
Ce qui se trouve dans la ligne de mire des agences, tout comme de Bruxelles, c’est bien sûr le programme anti-austérité engagé par la nouvelle coalition populiste au pouvoir à Rome. Celle-ci prévoit un déficit à 2,4% du PIB en 2019, contre 0,8% pour le précédent gouvernement, puis à 2,1% en 2020 (contre 0) et à 1,8% en 2021. Elle entend ainsi mettre en œuvre ses promesses électorales (départ en retraite facilité, revenu de citoyenneté pour les plus modestes, etc.) et donner de la sorte un coup de fouet à la croissance, via une demande plus forte et davantage d’investissements. Mais «pour qu’un pauvre se permette un verre de vin avec son revenu citoyen, faudra-t-il qu’il sollicite l’autorisation du gouvernement?» ironise La Stampa.
L'Italie fait fi des mises en garde de Bruxelles et des marchés https://t.co/LwIPA4o0FH
— Les Echos (@LesEchos) 21 octobre 2018
Bref, la pilule passe très mal à Bruxelles. La Commission a entamé jeudi dernier un bras de fer en réclamant des «clarifications». Elle fait état d’un dérapage budgétaire «sans précédent» et pointe un risque de «non-conformité grave» avec les règles européennes. Ce qui pourrait l’amener à rejeter ce budget. Ce serait alors une première dans l’histoire de l’UE, sachant que l’Italie ploie déjà sous une dette de 2300 milliards d’euros (2636 milliards de francs), qui représente quelque 131% de son PIB. Décidément de quoi donner raison au Figaro: «L’économie et la démagogie font rarement bon ménage.»
.@pierremoscovici « La place de l’#Italie est au cœur de la zone euro »#le79Inter @franceinter pic.twitter.com/LyYwAj9h5l
— Commission Européenne 🇪🇺 (@UEFrance) 22 octobre 2018
Même à Budapest, où le gouvernement hongrois n’a pourtant de leçons européennes à donner à personne, le quotidien Jutarnji list estime aussi que les deux vice-premiers ministres, Matteo Salvini et Luigi Di Maio, […] maintiendraient le cap, quoi que l’Europe puisse dire ou faire. […] Il faut s’attendre à une période de querelle, dans laquelle le gouvernement italien cherchera probablement à dissimuler le fait que le projet de budget n’est pas viable, le déficit revu à la hausse étant lui-même insuffisant. Il accusera alors les bureaucrates bruxellois de l’empêcher de tenir ses promesses, dans le but de marquer le plus de points possibles auprès de l’électorat souverainiste aux européennes.»
Pour ne rien arranger, les prévisions de croissance du gouvernement sont jugées beaucoup trop optimistes – 1,5% en 2019 contre 1% prévu par la plupart des observateurs, dont le Fonds monétaire international – ce qui pourrait encore aggraver le déficit. Nicolas Véron, économiste aux instituts Bruegel, à Bruxelles, et Peterson, aux Etats-Unis, estime que «l’incertitude autour de l’Italie devrait se prolonger, avec des conséquences négatives pour l’économie et les marchés financiers», mais il exclut néanmoins pour le moment une escalade «hors contrôle».
L'Italie s'attend à ce que son budget soit rejeté par la Commission européennehttps://t.co/ObipCzR5nk pic.twitter.com/EA9mFPcF8l
— Challenges (@Challenges) 22 octobre 2018
Néanmoins, on le voit: la presse italienne s’inquiète de plus en plus des conséquences de ce budget qui sort des clous européens. Courrier international relève que dans les quotidiens libéraux ou financiers, particulièrement, «la panique commence à monter». «Sveglia!»: «Réveillez-vous! Soit on change le budget, soit on retourne en 2011», s’écrie Il Foglio; «Ils jouent au poker avec votre argent», s’indigne Milano Finanza; «Les investisseurs s’enfuient», ajoute Il Sole-24 Ore.
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