Revue de presse
Après l'admission du Kosovo à l'UEFA, personne ne croit à un exode massif des stars binationales de l'équipe nationale. Ouf: les performances de la sélection suisse ne semblent pour l’heure pas menacées

Le Kosovo a donc été admis mercredi comme 55e membre de l’UEFA. Cette décision pourrait avoir des implications pour l’équipe suisse de football, qui comprend plusieurs joueurs originaires du petit pays des Balkans: Valon Behrami, Xherdan Shaqiri, Granit Xhaka, qui totalisent 156 sélections à eux trois. Théoriquement, ces footballeurs pourraient choisir de porter le maillot kosovar à l’avenir. Les experts n’y croient pas, mais les trois étoiles du ballon rond ont en tout cas manifesté leur enthousiasme sur Twitter:
Of course for me too...but it's more important for who worked for that and the future of the kids https://t.co/WK0fSMZYLt
— Valon Behrami (@ValonBera) 3 mai 2016

Notamment relayée par 24 Heures, l’Agence télégraphique suisse doute également d’une «infidélité». Il apparaît peu probable que ces hommes troquent le maillot, même si le site Heute, en Autriche, dit que la Nati «a des craintes». «En revanche, de plus jeunes joueurs prometteurs de souche kosovare et portant ou ayant porté le maillot de sélections suisses juniors, comme le futur joueur d’Everton Shani Tarashaj (ex-GC), pourraient franchir le pas.»
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Mais tout de même. Le Matin se demande par exemple sur une double page: «La Nati est-elle menacée?» Pour répondre «non» tout aussitôt: «Malgré l’attachement à leur pays d’origine qu’ils ont toujours revendiqué, on les imagine mal faire ce choix-là, eu égard à leur carrière: au départ, au moins, l’équipe du Kosovo aura peu de chances de se qualifier pour de grandes compétitions.»
Dans le même journal, Bashkim Iseni, le directeur du site Albinfo, dit lui aussi: «Franchement, non. Les Shaqiri et autres […] sont profondément attachés à la Nati.» Ce sont de vrais symboles de l’intégration en Suisse, dit-il à la Radio romande. En revanche, il ajoute qu’il se ferait «plus de souci pour l’Albanie qui compte encore plus de joueurs originaires du Kosovo» (et qui sera l’un des adversaires de la Suisse en phase de qualifications lors du prochain Eurofoot en France). Alors en attendant, apprécions le dessin de Ben dans le quotidien orange:
Pourtant, «certains tremblent déjà en Suisse», écrit la Tribune de Genève. Quotidien dans lequel Behrami dit qu’il ne sait même pas s’il jouera encore au niveau international après l’Euro de cet été. «Pour les autres? C’est un choix tellement personnel qu’il ne faut pas s’immiscer dedans.» On verra après, résume-t-il. «Et d’ici là, j’espère que je ne vais pas m’énerver avec des conneries déjà entendues ça et là.»
Des «conneries»? Le journal genevois précise que «Valon Behrami en a marre, et on le comprend, de certaines insinuations qui voudraient que lui et les siens, ceux originaires des Balkans, ne soient considérés comme de vrais Suisses que dans la victoire.» Des «considérations malsaines» et «une bonne claque aux petites mauvaises pensées». Quoi qu’il arrive, «il ne devrait y avoir qu’un message: merci d’avoir choisi la Suisse jusque-là! Parce que sans eux, […] jamais la sélection helvétique n’aurait été tête de série au Mondial 2014.»
Michel Pont a des doutes
Invité mercredi soir au Forum radiophonique de RTS-La Première, Michel Pont, ce vieux briscard du vice-coaching de l’équipe helvétique, est du même avis. Pour lui, «il faut bien distinguer le côté sportif et le côté sentimental et émotionnel». Il reconnaît cependant que «dans la tête des joueurs, ce peut être dévastateur de mettre un doute comme ça, mais l’aspect sportif prendra le dessus». Le cas de Behrami, «un peu en bout de course», est différent des plus jeunes: «Peut-être qu’il aura aussi envie de rendre des services à son pays d’origine.» Pour les plus jeunes, c’est de l’affaire et de la responsabilité de la Fédération suisse, conclut-il. Celle-ci ne commente pas, précise 20 Minuten.
D’autant que tout reste à faire au Kosovo: construire une équipe compétitive et disposer d’infrastructures efficaces ne se fait pas en deux coups de cuiller à pot, comme l’explique le Blick. Les binationaux auront donc selon lui bien le temps d’y réfléchir. Ils se trouvent dans le même cas de figure que les ex de l’équipe yougoslave, qui ont dû «choisir entre la Bosnie, la Croatie ou la Slovénie».
Türkyilmaz met la pression
Kolumnist pour ce même quotidien, l’ex-attaquant turco-suisse Kubilay Türkyilmaz met la pression en jugeant, lui, que les joueurs concernés devraient se prononcer clairement et rapidement. «Avant l’Euro» et avant que la FIFA décide elle aussi d’intégrer le Kosovo – c’est pour très bientôt. Tout en étant conscient qu’il s’agit de «poignantes affaires de famille, d’héritage, de racines et d’émotions». Bref, pour le quotidien de boulevard zurichois qui a le leadership sur ce sujet, vu les envies que ne manqueront pas de susciter «nos» stars au Kosovo, on serait en face d’une question «qui fâche», «eine hochbrisante Frage».
Une autre manière de la poser, cette question, est celle-ci, comme c’est souvent le cas outre-Sarine: Shaqiri & Co. auront-ils «le droit» de se présenter sous les couleurs kosovares lors des matchs de qualifications pour le Mondial 2018 en Russie, qui débuteront cet automne? Un sondage auprès des internautes de l’Aargauer Zeitung dit oui à environ 60%, ce qui est rassurant. Mais nul ne sait encore quoi que ce soit à ce sujet, dans l’incertitude totale des détails qui restent encore à régler pour finaliser l’intégration de Pristina, explique Watson.ch. Grosso modo, l’hypothèse n’est «pas à exclure, mais il y a de bons arguments en faveur de la Suisse», résume la Basler Zeitung.
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