Publicité

Santé: la gauche se trompe

Olivier Rigot, économiste, estime que le système de santé actuel manque de libéralisme et que la concurrence n'est pas suffisante pour en assurer l'efficacité économique.

Les propositions du conseiller d'Etat Pierre-Yves Maillard et du réseau de réflexion de gauche Denknet pour réformer le système de santé suisse, et plus particulièrement le problème de l'assurance maladie, ne feront qu'aggraver la situation existante. Elles veulent selon la vision classique de la gauche étatiser le système de santé à travers une caisse d'assurance maladie unique et par une planification totale par l'Etat de l'offre médicale. Elles dénoncent le système actuel comme étant d'inspiration néo-libérale, dominé par la concurrence et attiré par le profit, et devant donc être réformé.

L'erreur d'analyse que fait la gauche de la situation actuelle est qu'avec la LAMal nous avons passé d'un système libéral à un système d'inspiration socialiste et largement centralisateur. Le système que la Suisse a mis en place il y a dix ans est intéressant car il n'existe dans aucun livre d'économie. C'est un système d'inspiration planificatrice, centraliste, contrôlé par l'Etat qui définit dans le détail son architecture et qui donne pleins pouvoirs aux assureurs, sous le couvert d'une pseudo-concurrence, pour fixer les prix, imposer leur diktat aux prestataires de soins en contrôlant toute la chaîne des intervenants du système de santé. L'influence du lobby des assureurs à Berne finit de bétonner ce système en faveur d'un seul intervenant du jeu: les assureurs maladie.

Cette forme de multipôle accordée aux assureurs est unique au monde et a largement déployé ses effets pervers ces dernières années. Nous sommes parfaitement d'accord avec Monsieur Maillard qu'il doit être réformé, mais nos avis sur les réformes à mettre en place divergent.

Contrairement aux idées reçues, le système actuel manque de libéralisme et la concurrence n'est pas suffisante pour en assurer l'efficacité économique. Pour cela, il faut ouvrir le marché et laisser les assureurs définir les prestations qu'ils entendent couvrir et à quel prix. Les assureurs sont des gens innovants, créatifs et qui ont l'habitude d'évoluer dans un monde en concurrence totale, seule garantie pour le consommateur d'accéder aux meilleures prestations et aux plus faibles coûts.

De même, il faudrait ouvrir le marché à la concurrence étrangère. Dans le domaine de la santé, nous avons perdu en Suisse la notion de ce que représente une assurance. L'assurance est censée couvrir un risque financier important auquel l'assuré n'est pas à même de faire face avec ses propres ressources financières. Il ne viendrait pas à l'idée à un automobiliste de se faire rembourser par son assurance véhicule les frais d'entretien de sa voiture tels qu'une visite périodique ou une vidange. Par contre, dans le domaine de la santé, aujourd'hui les mentalités sont tellement perverties qu'il apparaît normal de se faire rembourser une visite chez le médecin pour une grippe ou l'achat de tablettes d'aspirine.

Nous sommes aujourd'hui en Suisse dans une société complètement déresponsabilisée où, sous la pression d'un mode de pensée socialiste, nous transférons en permanence notre responsabilité individuelle à l'Etat. Il s'agit aujourd'hui de combattre cette mentalité et le domaine de la santé est un excellent terrain de lutte.

En résumé, l'assurance doit couvrir le gros pépin, et chaque assuré doit faire preuve de responsabilité individuelle. Les propositions de la gauche suisse pour réformer le système de santé doivent être violemment combattues car elles ne feront qu'empirer la situation actuelle.

La proposition d'une caisse unique n'est pas nouvelle, et l'exemple du fiasco financier de la Sécu en France est suffisamment éloquent pour ne pas se lancer dans cette aventure. La seconde proposition tarte à la crème et démagogique de la gauche suisse consisterait à payer ses primes d'assurance maladie en fonction de son revenu. Nous rappellerons que c'est déjà le cas puisque les cantons couvrent déjà une partie des primes de la population à travers nos impôts.

Si une telle mesure devait être mise en place, elle se retournerait contre une partie de la population que la gauche prétend défendre, à savoir la classe moyenne et les familles. Dans notre société, c'est la classe moyenne qui supporte l'essentiel de la charge fiscale et sans aucun doute un financement de l'assurance maladie en fonction des revenus réduirait définitivement à néant le peu de revenu disponible qui reste encore aux familles suisses.