Comment dire non à Joe Biden? La question peut paraître incongrue, voire déplacée, à l’heure où le président des Etats-Unis s’apprête, ce mercredi à Genève, à dire ses «lignes rouges» à Vladimir Poutine, ce chef d’Etat russe résolu à repousser de toutes ses forces, pour son immense pays, la démocratie à l’occidentale et notre conception des droits humains.

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Cette question, pourtant, est maintenant à l’agenda des dirigeants européens, et de tous les partenaires des Etats-Unis, y compris la Suisse calfeutrée dans sa neutralité. Car des retrouvailles heureuses, après les tensions à répétition des années Trump, ne suffisent pas pour gommer d’autres différences, des deux côtés de l’Atlantique. L’administration aujourd’hui en place à Washington est sans nul doute plus respectueuse de ses alliés, et plus portée sur le multilatéralisme, dont les institutions internationales présentes sur les bords du Léman sont l’incarnation. Tant mieux. Mais sonner l’armistice entre Boeing et Airbus n’empêchera pas, demain, d’autres conflits commerciaux, ou d’autres désaccords stratégiques entre cette puissance intermédiaire que forment les pays démocratiques du Vieux-Continent et l’hyperpuissance de leur «parrain» américain.

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La notion de «défi systémique» posé par la Chine au bloc occidental, désormais officialisé pour la première fois dans un communiqué de l’Alliance atlantique à l’issue de son sommet bruxellois, est de ce point de vue essentielle à comprendre. Il s’agit bien, pour les pays de l’OTAN, dont la Suisse est partenaire, de maintenir leur avance dans de multiples domaines face au géant chinois en devenir, afin de ne pas demain subir la loi de ce nouvel Empire du Milieu. A condition, toutefois, que les Etats-Unis ne tordent pas cette compétition mondialisée pour en sortir seuls gagnants, de façon à imposer plus encore leurs standards technologiques, numériques, culturels et financiers. Le fait de partager avec les Etats-Unis les mêmes valeurs démocratiques ne doit pas nous illusionner sur le risque, demain, de voir Washington et Pékin s’entendre sur le dos d’une Europe présumée vieillissante, moins innovante et affaiblie.

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Dire parfois non à Joe Biden ne signifie pas pour autant qu’il faut tourner la tête lorsque les droits de l’homme sont outrageusement violés, ou lorsque des pays – la Russie en fait partie – se prêtent avec cynisme à des opérations de déstabilisation. Il s’agit d’avoir les yeux ouverts sur la nécessaire défense de nos valeurs démocratiques, sur le caractère vital de nos intérêts économiques et énergétiques continentaux et sur les possibles manipulations géopolitiques.  Joseph Robinette Biden, l’anti-Trump, vétéran du dialogue transatlantique, est prêt pour ce discours de vérité.