Pourquoi la Suisse ne peut pas adhérer
Le chroniqueur fait merveille par ses phrases chocs. Il explique pourquoi ce ne sont pas les droits populaires mais le Conseil fédéral qui rendrait problématique une adhésion de la Suisse à l’UE. Lors des «sommets» qui font et modifient l’UE, une position est toujours adoptée que chaque gouvernement doit ensuite faire ratifier par son parlement. Il y parvient toujours. «En Suisse, cela ne serait pas possible puisque, de retour de Bruxelles, le Conseil fédéral ne bénéficierait pas d’une majorité stable», écrit l’auteur. Il ne pourrait donc pas exister de codécision.
La Suisse, pays de 4 quatre langues et 26 cantons où «le vivre ensemble ne se construit pas par amour mutuel, mais par aversion pour les autres», maîtrise mieux ses finances que ses concurrents. Quatre «secrets» l’expliquent: Les communes sont souveraines et prélèvent le tiers des recettes fiscales. Cette course vers de bas taux d’imposition n’est pas destructrice parce que la concurrence est aussi forte en matière de prestations. Deuxièmement, la concurrence fiscale conduit à des taux favorables à toutes les catégories. Troisièmement, les taux sont définis par le peuple et non par les politiciens. Quatrièmement, la concurrence se manifeste aussi entre les cantons et par rapport au reste du monde.
Un pays urbain et non pas paysan
Beat Kappeler s’en prend à l’image habituelle d’une Suisse fermée, paysanne, hostile aux idées du monde. «La Suisse n’est pas un regroupement de cantons paysans, mais une alliance de villes», avance l’auteur. En 1291, les représentants d’Uri, Schwytz, Unterwald n’étaient pas des paysans, mais de grands bourgeois. S’y rallièrent des villes, en 1332 Lucerne, en 1351 Zurich, en 1352 Zoug, en 1353 Berne. Leur économie était fortement exportatrice, grâce au commerce de fromage et de bétail. Indépendante, ouverte, tournée vers le monde. Qu’on ne parle plus d’«Alleingang»! En 1500, le revenu par habitant y était, selon l’OCDE, supérieur à celui de la France et de l’Allemagne. Et la révolution industrielle y est apparue peu après l’Angleterre. En 1836, une commission du parlement britannique visita d’ailleurs la Suisse parce qu’on y faisait davantage de broches qu’en Angleterre.
Ce travail de mémoire égratigne sérieusement les syndicats. La gauche répète l’envie que le système électoral à la proportionnelle serait le fruit de la grève générale de 1918. En réalité, le peuple suisse a approuvé une initiative en ce sens un mois avant la grève du 11 novembre, peu suivie par ailleurs. L’ancien secrétaire de l’USS revient aussi sur la naissance de la paix du travail. En 1936, à la suite d’une hausse de 30% du franc, le Conseil fédéral avait envisagé de définir lui-même les salaires en cas de désaccord entre les partenaires sociaux. Les associations patronales et syndicales s’y opposèrent. La paix du travail a donc pris la forme d’une procédure arbitrale.
Les représentants conservateurs en prennent aussi pour leur grade. La place financière suisse n’a pas été victime des assauts socialistes. Les fossoyeurs sont bourgeois et au nombre de quatre: les ministres des finances que furent Roger Bonvin (fonds de placement au Luxembourg), Nello Celio (obligations étrangères à Londres), Georges-André Chevallaz (taxe de 8% sur l’or), et bien sûr Eveline Widmer-Schlumpf (fiscalité). Un livre à traduire, à distribuer dans les écoles et aux expats étonnés par leur nouveau pays.
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