Semaine de la finance durable: un bon premier pas
Analyse
La série de manifestations organisées du 7 au 11 octobre à Genève a sensibilisé le grand public à l’importance de la finance responsable. Et montré les différentes approches des acteurs de la finance, entre ceux qui s’engagent résolument pour le durable et ceux qui veulent avant tout qu’il rapporte. Cette expérience réussie doit être pérennisée

Genève a donc été la capitale mondiale de la finance durable du 7 au 11 octobre dernier. Sous la bannière «Building Bridges Week», une série d’événements et de conférences a placé le projecteur sur la place financière et permis à ses différents acteurs de cultiver leurs relations naissantes. L’opération a livré un état des lieux fidèle de la situation dans laquelle se trouve la finance responsable. Reste la question à 30 000 milliards de billets (forcément) verts – le montant estimé des investissements durables dans le monde: comment profiter de l’élan qui porte actuellement les questions environnementales et sociales pour véritablement ancrer Genève en tant que plateforme incontournable de la finance morale?
La finance durable est sortie de sa niche. C’est la première réussite de la Building Bridges Week: avoir montré que les investissements responsables ne peuvent plus être considérés comme un marché limité, difficilement compréhensible et réservé à des spécialistes. La journée de conférences du jeudi en particulier a amené la finance durable vers le grand public. L’ensemble des médias romands a parlé de la manifestation, notamment grâce à la venue du président de la Confédération. Et ce, même si Ueli Maurer n’a pas fait de déclaration marquante ou pris d’engagement spectaculaire.
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Le message est néanmoins passé: la finance durable constitue une opportunité à saisir et Genève dispose d’arguments uniques pour cela comme une place financière importante et le microcosme international constitué autour des Nations unies. Le grand défi des prochaines années est de faire en sorte que ces deux milieux collaborent. Qu’ils créent ensemble des projets, apportent des réponses aux grands enjeux planétaires tout en générant une performance financière.
L’autre objectif de la manifestation était de faciliter le dialogue entre les différents acteurs de la finance responsable. Entre le monde des ONG et celui de la finance, mais aussi au sein de la place financière, en permettant aux tenants de la gestion selon des critères durables (le premier niveau de la finance responsable) d’échanger avec les acteurs ayant préféré la voie de la finance d’impact ou de la microfinance. L’avenir dira à quel point ces discussions ont été fructueuses.
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Surtout, cette journée d’interventions de bon niveau a fourni une image fidèle de la situation de la finance responsable. Au-delà du déluge de belles déclarations, des dissensions apparaissent rapidement dès qu’on entre dans le concret. Les banquiers privés genevois, très actifs dans la création de la Building Bridges Week (Lombard Odier et Pictet), ont clairement indiqué leur volonté de s’engager dans des investissements ayant un impact positif sur la planète. Notamment pour répondre aux attentes de leurs clients.
Pour UBS et Julius Baer, dont les directeurs généraux respectifs avaient fait le déplacement à Genève, la logique est un peu différente. Les deux banques veulent développer leurs financements responsables, mais à condition que leur performance soit au moins égale à celle des placements traditionnels. Plus exactement, que le rapport risque-rendement soit aussi bon.
Ce qui pose la question de la grille de lecture: l’investissement durable doit-il s’analyser sous ce prisme du risque-rendement, qui est l’approche classique de la finance traditionnelle? Ou faut-il considérer que les enjeux pour la planète sont tellement importants que la finance durable doit devenir la norme aussi vite que possible? Engager une transition sans tarder entre les deux visions serait certainement une bonne idée.
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Enfin, quelle suite donner à cette édition de la semaine durable? Les résultats des élections fédérales du week-end ont encore une fois montré la force du momentum en faveur des comportements responsables, avec la montée du vote vert. Pour surfer sur cette vague, une option évidente serait de pérenniser une journée ou une semaine dédiée à la finance durable. Mais une manifestation annuelle aurait certainement davantage de poids si elle s’accompagnait d’un suivi fiable de l’évolution de la discipline.
La tâche pourrait être confiée à une institution à créer, qui incarnerait aussi la finance durable suisse. New York a sa statue de la Liberté, Paris sa tour Eiffel: la Genève durable pourrait se doter d’un symbole immédiatement reconnaissable. Pour coller à la logique de la conférence et respecter la topologie de la ville, il pourrait aussi s’agir d’un pont de la finance durable.
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