Un parfum de Vatican au pays de Calvin. La Fondation d’art dramatique (FAD), qui coiffe la Comédie et le Poche, s’est réunie en conclave. Sur la table des cogitations de cette assemblée d’élus, 26 dossiers au départ, dont 13 recevables, c’est-à-dire complets, soulignait lundi l’avocate Lorella Bertani, présidente de l’instance. Huit candidats ont été auditionnés au premier tour par un groupe de sélection, qui comprenait quatre experts, dont Tiago Rodrigues, le directeur du Festival d’Avignon. Trois ont eu droit à un grand oral. Séverine Chavrier s’est détachée irrésistiblement, souffle un membre de l’aréopage. Une papesse plutôt qu’un pape.

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Une surprise? Oui et non. Les plus avertis rêvaient du Suisse Milo Rau ou de la Brésilienne Christiane Jatahy, des stars dont les spectacles chambardent durablement. La Comédie avec ses moyens imposants – 12,8 millions de subventions publiques – et sa position d’actrice majeure sur l’échiquier européen pouvait susciter les ambitions de ces envoûteurs nocturnes. Mais ils n’ont pas postulé.

Qu’importe en vérité, la maison genevoise a toujours misé sur des invités surprises, à l’exception de Benno Besson en 1982. Et cette politique s’est avérée le plus souvent heureuse, de Claude Stratz en 1989 – plutôt que l’immense Matthias Langhoff, qui filait alors à Lausanne – à Anne Bisang en 1999. Succédant à Hervé Loichemol en 2017, Natacha Koutchoumov et Denis Maillefer (NKDM) s’inscrivaient dans cette lignée.

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Résultat? Le duo a galvanisé un bâtiment glaçant qui aurait pu sombrer comme un Titanic genevois sous le coup du covid, des fermetures obligées et de la croissance programmée – les effectifs ont quasiment triplé entre 2017 et 2022, passant de 26 à 76 employés.

Avec son profil de pudique passionnée, la Franco-Suisse Séverine Chavrier est de taille à conquérir une ville où elle a passé une partie de sa jeunesse. Elle a dirigé pendant cinq ans le Centre dramatique Orléans-Centre-Val de Loire. Son goût pour les écrivains qui entêtent – William Faulkner et Thomas Bernhard – a donné lieu au Théâtre de Vidy à des spectacles prometteurs. Ses intentions sont louables: faire une place plus grande aux femmes artistes, intégrer de jeunes professionnels, instituer la durabilité en principe d’action, tisser des liens avec des écoles d’art, favoriser toujours l’inclusion, etc.

Pas de révolution à attendre, non. Séverine Chavrier veut profiter de l’élan donné par NKDM. Les outsiders réussissent à la Comédie. Cette mélomane connaît l’art de créer des passions fédératrices.

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