Actuellement, lorsqu'une personne est en incapacité de travail pour cause de maladie, la loi lui garantit le droit de ne pas se rendre à son poste de travail et, si une assurance perte de gain maladie a été conclue par son employeur, celui de bénéficier des indemnités journalières pendant 720 jours au maximum. C'est beaucoup pour une grippe. Ce n'est pas toujours suffisant pour un cancer. Le contrat d'assurance maladie perte de gain lie l'employeur et l'assureur. Le travailleur est le bénéficiaire de prestations pour lesquelles les primes versées par l'employeur sont en partie retenues sur son salaire.
Aujourd'hui, la plupart des entreprises, travaillant à flux tendus, souhaitent le retour rapide du travailleur malade à son poste. Si cela n'est pas possible, la maladie étant sérieuse, la solution est parfois le licenciement dès l'échéance du délai de protection. L'employeur a donc intérêt à savoir de quoi souffre le travailleur. Malheureusement, cette connaissance, couverte par le secret médical, ne lui est légalement pas accessible.
Actuellement, les assureurs maladie crient misère et désignent les faux malades. Leur apparente prospérité, que dévoilent le luxe de leurs revues papier glacé et le coût de leurs publicités cinématographiques, échappe évidemment au droit de regard des assurés, pourtant pourvoyeurs de fonds au même titre que les employeurs.
La loi garantit donc une indemnité maximale et légale de 720 jours à un assuré malade. C'est trop cher pour l'assureur? Qu'à cela ne tienne, il va se rendre au chevet du malade pour le sommer de promettre un retour au turbin dans de plus brefs délais. A cette fin, les assureurs envoient désormais des inspecteurs de santé, des coordinateurs ou gestionnaires des absences, effectuer des visites à domicile. Cette police d'assurance, d'un genre inédit, n'est au bénéfice d'aucune formation médicale et à nulle discrétion soumise. Les petites annoncent recrutant ces nouveaux inquisiteurs ne réclament que «capacité à s'imposer et à prendre des décisions» et «résistance».
Faut-il conseiller aux assureurs d'aller débaucher dans les sectes qui ont développé l'art et la manière de mettre le pied dans la porte? Rien ne les en empêcherait car cette activité qui touche pourtant à la santé publique n'est réglée ni par la LAMal ni par les lois sanitaires cantonales.
Et le malade d'ouvrir sa porte à la taupe, lui offrant même parfois le café. Jouant de «sa capacité à s'imposer», l'inspecteur se fait sa petite idée de l'état de la personne qu'il visite. Les secrets, les craintes, les espoirs qui lui seraient dévoilés n'étant pas couverts par le secret médical, ces confidences finissent naturellement dans l'oreille attentive du directeur des ressources humaines.
Pas besoin d'être grand clerc pour deviner ce qui se passe après: l'employeur, à peine averti du caractère psychique de l'affection qui retient son employé à la maison, peut envoyer à ce dernier un congé qui n'a pas pour effet immédiat de faire son bien, de répondre à son appel au secours ou de le maintenir dans le monde du travail.
Les contes nous avaient appris à ne pas tirer la bobinette et faire choir la chevillette à l'appel du premier loup venu. Il serait ainsi bon de rappeler à tout un chacun qu'il n'existe aucune obligation de laisser entrer des prédateurs chez soi. Il est légal de laisser les inspecteurs en santé tester leur «résistance» de longues heures devant la porte. Ils ne sont ni médecins ni témoins. Aucune loi ne consacre encore leur activité de délateurs.
Comme c'est dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleures soupes, peut-être faudrait-il remettre à l'ordre du jour un supplice didactique qui a fait ses preuves au Moyen Age: plonger le travailleur paresseux dans une cuve, l'eau lui arrivant aux narines, lui fournir une écuelle pour écoper cependant que vous laisserez l'eau couler dans la cuve au rythme où vous souhaitez le voir s'activer. Il aura vite compris les vertus du labeur.