La SSR au cœur des bouleversements numériques
Opinion
OPINION. En raison des baisses de rentrées publicitaires, la SSR prévoit de réduire son offre et ses effectifs, annonce son directeur général, Gilles Marchand

La révolution numérique est un ouragan qui touche tous les secteurs. Dans le monde des médias, elle bouleverse les comportements et chamboule les modes d’affaires. Et les évolutions sont de plus en plus rapides. L’usage des médias se transforme massivement. En 2018, internet a mobilisé 50% du temps que les jeunes leur ont consacré. La télévision reste très populaire, mais elle est de moins en moins suivie en direct, tout comme la radio. Et la lecture file du papier aux écrans. Simultanément, les cloisons tombent. La séparation historique entre l’écrit, la radio et la télévision s’efface. Sur les plateformes internet, les contenus intègrent complètement l’audio, la vidéo et le texte.
Enfin, la publicité́ migre à grande vitesse. En cinq ans, internet a gagné 1 milliard de francs d’investissements publicitaires en Suisse, la presse a perdu plus de 500 millions de francs. Et la télévision est à son tour attaquée. Les recettes publicitaires TV de la SSR, elles, reculent de plus de 25 millions de francs cette année. Soit un risque de 100 millions de francs supplémentaires dans les quatre ans. C’est considérable, si l’on pense que les recettes commerciales – environ 400 millions de francs il y a peu – représentaient un quart du budget global de la SSR.
Cent millions d’économies supplémentaires
Dans ce contexte, le financement du mandat de service public est un enjeu complexe, d’autant plus que la redevance a été baissée, passant de 450 à 365 francs, et que la quote-part de redevance de la SSR a été plafonnée. Ces changements de société sont profonds et irréversibles. La SSR y répond par une double stratégie: d’une part, avec un développement numérique, mais aussi des réformes pour baisser les coûts. D’autre part, avec la qualité de ses programmes qui se différencient de l’offre commerciale pour remplir au mieux leur mandat, garder leurs publics et leur crédibilité.
Des conséquences sur les programmes et les emplois seront inévitables
Dans une première étape, un plan de réformes et de réinvestissement, lancé dès mars 2018, permettra d’économiser 100 millions d’ici à 2020, tout en redirigeant des ressources vers de nouvelles offres, broadcast comme numériques. Côté baisse des coûts, les principales mesures engagées sont la réorganisation de la production audiovisuelle et des ressources informatiques du groupe, l’arrêt de la distribution numérique terrestre, la compression des frais administratifs et l’allègement du parc immobilier de la SSR. Côté offre et numérisation, de nouvelles séries TV sont en préparation, un studio trimédia est ouvert à Bâle, un centre news le sera bientôt à Zurich, tandis qu’une nouvelle plateforme numérique nationale permettra en 2020 à la SSR de proposer ses contenus par thèmes et non plus par langues, avec du sous-titrage à la carte.
Demain, les efforts de la SSR devront se poursuivre. Une nouvelle diminution des charges sera nécessaire en 2020 à cause de la baisse de la publicité́. Des conséquences sur les programmes et les emplois seront inévitables. Nous aborderons ces mutations avec le plus grand soin, notamment pour accompagner au mieux nos équipes et servir le public. En même temps, le développement numérique ne s’arrêtera pas, et nous avons pour objectif d’équilibrer dans cinq ans l’offre TV et radio linéaire classique, et les prestations numériques à la carte.
L’affaire de tous
N’oublier aucun public, s’adresser à toutes et tous, tout en jouant un rôle constructif dans l’écosystème médiatique, avec des partenariats public-privé, voilà le cap. L’ensemble de ces démarches sont subordonnées à notre raison d’être: garantir le service public de qualité que les citoyens ont plébiscité lors de la votation «No Billag».
Cette ambition implique une information, dans les quatre langues nationales, basée sur la recherche et la validation des faits, la diversité des points de vue et des opinions, la mise en perspective. Elle passe aussi par l’investissement dans la création culturelle, la capacité de rassembler lors des grands événements, notamment sportifs ou grâce à des émissions de divertissement, sans oublier bien sûr l’ancrage dans toutes les régions du pays.
Dans la jungle numérique, la SSR continuera à proposer à la Suisse les repères et les liens dont elle a besoin. L’entreprise poursuivra sa transformation dans un paysage médiatique complètement bouleversé, et dans le cadre d’un mandat comme d’un financement qui seront certainement l’objet de nouvelles discussions. Car le service public est l’affaire de toute la société, plus que jamais.
Gilles Marchand est directeur général de la SSR.
A ce propos: La SSR s'impose une nouvelle coupe de 50 millions
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