La SSR a un problème. Le géant audiovisuel helvétique est sur le point d’être dépassé par la fusion de tous les médias dans l’espace déstructuré et illimité d’Internet. Les jeunes générations abandonnent les rituels qu’étaient la «grand-messe» du téléjournal, la soirée variétés du samedi ou le match de football du dimanche après-midi. Cette révolution prive la télévision publique de la centralité, sanctifiée par l’Etat, dont elle jouissait il y a quelques années encore.

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Le 4 mars prochain, lors du vote sur «No Billag», le monopole audiovisuel ne subira pas seulement la rogne des Wutbürger, ces citoyens en colère alémaniques de tendance UDC qui vomissent le «média d’Etat» et son prétendu gauchisme. Il devra aussi affronter l’indifférence, parfois l’hostilité, d’une jeunesse accro aux écrans mais qui ne voit plus l’utilité de payer une redevance finançant surtout la télévision du passé.

Ce phénomène représente un choc sociologique profond, qui a déjà laminé la presse écrite. Il est curieux de voir la SSR sembler le découvrir aujourd’hui. En témoigne son argumentaire de campagne, résolument orienté vers la préservation de l’acquis. Le slogan «Nous sommes indispensables à la cohésion nationale» parle sans doute à la classe politique et à une partie plutôt âgée de l’électorat. Mais il n’est pas de nature à galvaniser la génération YouTube.

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Pourtant, les dirigeants de la SSR ont saisi les enjeux. Gilles Marchand, directeur de la société depuis le 1er octobre, ne cesse de marteler que la révolution numérique «change tout». Au lieu d’insister sur son rôle institutionnel, l’entreprise devrait donc – aussi – faire entrevoir ce que sera la pertinence d’un service public audiovisuel suisse dans dix ou vingt ans. Et accepter que son mode de financement puisse être différent, peut-être moins cher que l’actuel.

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Il y a un combat à mener auprès de la jeunesse, pour la convaincre de l’importance d’un journalisme professionnel et d’une production nationale détachée des impératifs commerciaux. On découvrirait peut-être que les nouvelles générations sont plus réceptives à ces valeurs qu’on ne le pensait. La SSR n’a pas le choix: si elle veut survivre à long terme, elle devra gagner la bataille pour «les cœurs et les esprits» des jeunes.

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