«Les stéréotypes de genre sont des poisons de l’esprit»
Opinion
OPINION. L’instauration de l’égalité entre femmes et hommes passe par la prise de conscience de l’influence des stéréotypes de genre et leur transformation, écrit Jean-Claude Domenjoz, expert en éducation aux médias.

Notre société promeut l’égalité entre hommes et femmes tant dans la vie publique que privée. Cependant, les représentations sociales des rôles et des comportements attendus des individus en fonction de leur sexe ont un impact certain sur la réalité. L’instauration de l’égalité entre femmes et hommes passe par la prise de conscience de l’influence des stéréotypes de genre et leur transformation.
Les stéréotypes et préjugés sont des poisons de l’esprit. Ils affectent, de manière souvent inconsciente, les relations entre les individus. Ces idées toutes faites, acquises dès le plus jeune âge, déterminent les manières de sentir, les attitudes et les orientations de l’action des personnes et des groupes vis-à-vis des autres dans leurs différences. Les stéréotypes ont un effet décisif sur les rapports entre hommes et femmes, filles et garçons. Ils influencent grandement leurs trajectoires de vie et sont la cause de comportements discriminatoires et irrespectueux. A l’extrême, ils sont le moteur de violences sexuelles.
Les stéréotypes sont partout
Le rôle de l’école pour construire une société égalitaire est primordial, mais pas seulement. Toutes les institutions et les professionnels qui ont un rôle de médiation sont concernés. Les industries culturelles, les médias, les institutions éducatives et d’animation socioculturelle ainsi que les organismes de formation professionnelle ont une responsabilité particulière pour lutter contre les stéréotypes de genre. Il faut bien sûr sensibiliser les enfants à cette problématique, développer leur sens critique et les doter de compétences de base leur permettant d’identifier les stéréotypes de genre. L’école a intégré le décodage de la mise en scène de divers types de messages dans son plan d’étude. Cependant beaucoup reste à faire pour former tout le corps enseignant à ces nouvelles pratiques pédagogiques. Parce que l’école est lente à intégrer les innovations pédagogiques et que leurs effets ne se diffusent que peu à peu dans la société, on ne peut pas compter seulement sur elle pour lutter contre les préjugés sexistes.
L’image photographique, par son pouvoir évocateur sans pareil, est le support privilégié du stéréotype
Les stéréotypes sont partout. Ils se transmettent par les productions audiovisuelles de grande consommation. Les séries télé, les publicités, les clips musicaux, la téléréalité, les jeux vidéo, mais aussi les réseaux sociaux et les conversations entre amis sont remplies de représentations stéréotypées, porteuses de valeurs, qui nous marquent de leur empreinte, par la répétition. Le cliché, expression ou image figée banalisée par un usage fréquent, constitue son véhicule idéal. L’image photographique, par son pouvoir évocateur sans pareil, est son support privilégié. Pensons aux modèles du corps idéal et de la beauté formés par l’omniprésence de photographies retouchées et à leurs effets considérables dans la société, qui va jusqu’à la diffusion massive de la chirurgie esthétique pour tenter de faire coller rêve et réalité par la modification du corps même. Des femmes et des hommes, se font respectivement gonfler artificiellement les seins ou les fesses pour répondre aux canons esthétiques du temps.
Contenus et discours alternatifs
Alors, comment lutter contre les stéréotypes? Prendre conscience de leur rôle et de leurs effets souvent négatifs dans la vie sociale, apprendre à les identifier, ne pas les reproduire et, dans la mesure du possible, chercher à amener d’autres à s’interroger, tel pourrait être le canevas d’un programme visant à lutter contre les stéréotypes. Comment s’y prendre pour les déconstruire? En analysant ce qui est donné à voir et à entendre. En se demandant, méthode simple et efficace, pourquoi on nous montre ceci plutôt que cela, et quels effets pourraient être visés par ces représentations. La production de contenus et de discours alternatifs devrait compléter la déconstruction des messages.
Vu leurs effets toxiques, il est nécessaire que de larges milieux se mobilisent pour outiller chaque individu des moyens de débusquer les stéréotypes de genre et développer leur posture critique, chemin vers une société égalitaire. L’éducation aux médias, ce n’est pas seulement l’affaire de l’école.
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