Organiser un festival exclusivement réservé aux femmes: c’était le rêve d’Emma Knyckare, une militante féministe suédoise. Après une longue campagne de financement participatif, la comédienne de 30 ans vient de remporter son pari osé. The Statement Festival verra le jour à l’été 2018: deux jours de concerts aux accents rock, une programmation exclusivement féminine et une capacité de 10 000 personnes. Un choix radical? Une réponse aux différents cas d’agression sexuelle qui ont émaillé des manifestations musicales en Suède l’été dernier.

Sur Instagram, Emma Knyckare laisse éclater sa joie: «On l’a fait! On est les meilleures et on a réalisé un rêve. Merci à tous les contributeurs», a-t-elle déclaré en félicitant les 22 femmes qui l’ont épaulée dans sa démarche. «Maintenant, nous allons écrire l’histoire», a-t-elle ajouté. Lancé sur la plate-forme Kickstarter, le financement a abouti samedi dernier: 533 120 couronnes (environ 64 000 francs) ont été récoltées, au-delà des 500 000 espérées. Au total, quelque 3300 personnes y ont contribué.

Eté de crise à Bravalla

Inédite à ce jour, la démarche intervient après un été de crise. Lors de l’édition 2017 du festival Bravalla, le plus grand du pays, quatre viols et une vingtaine d’agressions sexuelles avaient été recensés. «Certains hommes, car ce sont des hommes, ne peuvent manifestement pas se comporter correctement. C’est une honte», avaient alors déploré les organisateurs, qui ont décidé d’annuler l’événement cette année. Le premier ministre, Stefan Löfven, avait également condamné des actes «répugnants» et envisagé le recours à la vidéosurveillance dans ce genre de manifestation.

Que faire quand la fête se transforme en cauchemar? Bannir les hommes permet certes de se prémunir de tout risque, mais doit-on vraiment en arriver là? @SayHiSinead en est persuadée: «Statement est un festival juste pour les femmes. Cela sonne comme mon genre de truc, on se voit là-bas!» «Excellente nouvelle, renchérit @culturesconverg. Félicitations la Suède!»

Logique d’exclusion

Mais le principe d’Hérode, soit la logique d’exclusion, suscite aussi la controverse. «Tragique d’organiser un festival discriminatoire qui va à l’encontre de l’égalité suédoise», déplore un internaute. «Gérer des problèmes sociaux comme la criminalité dans les festivals et revenir à l’âge de la pierre avec des festivités divisées selon le genre est contre-productif et faux», s’insurge un autre.

Initiative sexiste

Pour @TweetBradBarron, l’initiative est clairement sexiste: «Elle revient à dire que tous les hommes sont dangereux et pas dignes de confiance. A l’inverse, un festival réservé aux hommes serait vivement combattu #maladroit.» Therese_karlsson81 réplique: «Ne voyez-vous pas un problème à ce que les femmes ne puissent pas participer à un événement en raison du risque élevé de violence sexuelle? Il existe de nombreuses activités qui visent uniquement certains groupes, à l’instar des clubs sportifs.»

Comme si le débat n’était pas assez houleux, une clause du festival attire l’attention: les femmes transsexuelles, et celles dont le genre n’est pas défini, seront acceptées. «Je doute que les femmes seront même une majorité significative là-bas, lâche @RadFemininity. Nous ne pouvons littéralement jamais rien avoir pour nous-mêmes.»

Sécurité ou revendication?

«Aidez-nous à créer un espace sûr pour les personnes qui veulent assister à un festival sans craindre pour leur sécurité personnelle»: tel était l’intitulé du Statement Festival. Où s’arrête l’impératif sécuritaire, où commence la revendication?

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