Mondialisation, Europe, banques, migrations, avenir des retraites: c’est dans et à travers les partis que se remodèlent, se recomposent et s’affrontent les intérêts et les visions diverses de la société. Sans eux, pas de campagne électorale, pas de prise en compte de la volonté populaire exprimée lors des votations, pas de canalisation des mouvements d’opinions et des mutations de la société, préviennent le politologue Oscar Mazzoleni et l’historien Olivier Meuwly dans la préface du livre qu’ils consacrent, avec d’autres auteurs, aux «partis politiques suisses en mouvement».

Au-delà de l’évolution historique des partis, de leur croissance ou de leur déclin, ce qui a focalisé l’intérêt des deux directeurs de la publication, c’est la transformation du paysage politique, la montée des antagonismes durs et l’arrivée de nouveaux acteurs. On y voit à l’œuvre l’interaction, les alliances et les conflits entre partis voisins. La rivalité en sourdine à gauche entre PS et Verts, la concurrence dans les villes du Parti vert’libéral et du PLR.

Le marais centriste

Comment le courant conservateur s’est restructuré au bénéfice de l’UDC et au détriment du PDC grâce au discours nationaliste. Par quelle convergence des extrêmes, plus que par calcul stratégique, selon Oscar Mazzoleni, socialistes et UDC se retrouvent toujours plus souvent dans des «alliances contre nature» pour faire capoter des projets du gouvernement, donc du centre. Pour quelles raisons le centre droit, «cet étang dans lequel pêchent cinq partis» est incapable, faute de stratégie commune, de jouer son rôle de pivot du débat politique malgré un gain de voix de 11% dû à l’apparition de deux nouveaux partis.

Le rejet de l’EEE en 1992 n’a pas seulement consacré un échec de la politique gouvernementale d’ouverture, ce fut également le couronnement de l’UDC blochérienne et l’accélération du déclin des partis du centre droit, constatent aussi bien Urs Altermatt, historien du PDC, qu’Olivier Meuwly, spécialiste du Parti radical. Le PLR qui avait «pensé» et incarné l’Etat, le PDC, qui avait joué jusqu’en 2003 le rôle de pivot par sa capacité à forger des compromis, se retrouvent concurrencés par de nouveaux partis encore mal profilés. Ils ont perdu de leur capacité à imposer les projets du gouvernement dans un paysage politique toujours plus polarisé, dominé par l’UDC et le PS.

S’allier? Fusionner?

On le voit bien dans le jeu de séduction du PDC envers le PBD, le centre droit est face à des choix impossibles: s’allier, se coaliser, fusionner? Pour Olivier Meuwly, la perspective d’un grand parti du centre composé de ces différentes formations est illusoire. Entre un PDC qui ne sait quoi faire de son «C» et le PLR, il y a trop de divergences culturelles. Et puis, reprenant une sentence française, il constate que si les gens aiment être gouvernés au centre, ils n’aiment pas être gouvernés par le centre.

Dans un chapitre sur le positionnement des partis politiques, Andreas Ladner démontre que, curieusement, malgré un gouvernement qui s’appuie sur le consensus, le paysage politique suisse est le plus polarisé d’Europe. Cela est notamment dû à l’arrivée brutale de l’UDC, mais aussi au fait que de tous les partis socialistes européens, le PS suisse est aussi le plus à gauche. Du moins, ajouterons-nous, davantage dans ses programmes électoraux et ses congrès que dans sa pratique gouvernementale.

Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.