Opinion
La force hydraulique se retrouve aujourd’hui dans une situation économiquement difficile provoquée par la chute vertigineuse du prix de l’électricité sur le marché européen. Thomas Zwald, responsable des affaires publiques de l’Association des entreprises électriques suisses plaide donc pour qu’on la soutienne vigoureusement
En Suisse, l’avenirde l’hydraulique est en jeu
La question du soutien à l’hydraulique soulevée par les récentes difficultés économiques de cette dernière a été l’objet de discussions médiatiques et politiques ces derniers mois. Tout le monde est d’accord quand il s’agit de reconnaître l’importance prépondérante de l’hydraulique pour l’approvisionnement énergétique de notre pays. Par contre, lorsqu’on parle de soutien, des voix critiquent s’élèvent. Heureusement, la Ceate-E (Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil des Etats) a reconnu la nécessité d’agir pour sauvegarder la première source d’énergie renouvelable de la Suisse et propose une mesure de soutien.
L’énergie hydraulique est une énergie renouvelable, propre, indigène. Produite sur notre territoire, cette énergie particulièrement fiable n’émet pratiquement pas de CO2. Véritable colonne vertébrale de notre système d’approvisionnement, elle représente aujourd’hui environ 60% de la production suisse d’électricité. La flexibilité de sa production permet d’équilibrer à tout moment la sur – et la sous-production des énergies éolienne et solaire. Cette technologie est donc prédestinée pour intégrer de manière optimale la production d’électricité des énergies non maîtrisables. Quant au pompage-turbinage, sa fonction de stockage de la production aléatoire photovoltaïque et éolienne lui confère un rôle indispensable pour notre futur système énergétique. Son importance est stratégique pour la sécurité d’approvisionnement de la Suisse et pour l’atteinte des objectifs de la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération dans le domaine des énergies renouvelables.
La force hydraulique se retrouve aujourd’hui dans une situation économiquement difficile provoquée par la chute vertigineuse du prix de l’électricité sur le marché européen. La cause en est les distorsions du marché engendrées par différents facteurs internationaux non influençables tels que les prix trop bas du charbon et du CO2 favorisant la production d’électricité à partir d’énergie fossile, ainsi que les subventions massives en faveur des énergies solaire et éolienne dans les pays voisins, particulièrement en Allemagne.
A cela vient encore s’ajouter le franc fort. Les prix actuels de l’électricité sur le marché ne couvrent plus les coûts de production de nombreuses centrales hydrauliques. Le prix de revient d’une centrale comme Grande-Dixence, par exemple, s’élève à 8 centimes le kWh en moyenne, sans compter les coûts pris en charge par les actionnaires tels que l’optimisation ou la commercialisation, alors que l’électricité sur le marché se négocie actuellement autour des 4 centimes le kWh. Composé de près de 40% de redevances et d’impôts, ce prix de revient peut varier énormément suivant les particularités (type d’infrastructures, situation géographique, économique, etc.) de chaque centrale.
Pour les sociétés de production qui ne disposent pas d’un accès direct aux clients finals, la situation est particulièrement difficile. Puisqu’elles ne peuvent pas répercuter leurs charges sur des clients captifs comme le prévoit la législation fédérale sur l’approvisionnement en électricité, elles sont complètement exposées aux prix du marché et subissent de plein fouet la perte de rentabilité de l’énergie hydraulique.
Alimenté par tous les consommateurs de courant qui paient une taxe pour chaque kilowattheure utilisé, le fonds RPC a été mis en place par la Confédération afin de soutenir les énergies renouvelables tant que leur coût de production est supérieur aux prix de l’électricité négociés sur le marché.
L’énergie hydraulique se trouvant actuellement dans cette situation, elle doit être soutenue au même titre que les autres énergies renouvelables. C’est une question de principe et d’égalité de traitement, indépendamment des montants en discussion. De plus, il faut tenir compte du critère d’octroi d’un nombre maximal de kWh produits par franc de subvention accordé, critère auquel la production hydraulique répond le mieux. A ce sujet, l’AES salue la récente décision de la Ceate-E d’allouer un soutien temporaire aux installations de grande hydraulique se trouvant en difficulté économique. Il s’agit d’un signal fort en faveur de la première source d’énergie renouvelable du pays, reconnaissant son importance et la nécessité de rétablir son équilibre économique.
Au-delà de cette «mesure d’urgence» dont l’efficacité doit encore être examinée dans les discussions parlementaires qui suivront, il est indispensable d’améliorer les conditions-cadres de l’hydraulique à long terme.
A cet effet, il est notamment nécessaire de flexibiliser les redevances hydrauliques, qui représentent en moyenne 20 à 25% du coût de production d’une centrale hydraulique, en liant leur évolution à celle des prix du marché lorsque le régime en vigueur sera revu en 2019 et de taxer davantage les émissions de CO2 pour répondre ainsi également aux impératifs d’une politique climatique efficace.
L’énergie hydraulique est une énergie renouvelable, propre, indigène et fiable
Responsable des affaires publiques de l’Association des entreprises électriques suisses (AES)
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