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La Suisse ne doit pas aller au Conseil de sécurité à reculons

ÉDITORIAL. Des voix critiques estiment que la Confédération n’aurait pas dû accéder à l’organe onusien au risque de perdre sa neutralité et son âme. Or c'est une évolution logique et une manière d’assumer sa responsabilité multilatérale

La salle du Conseil de sécurité des Nations unies à New York avec les sièges bleus pour les Etats membres du Conseil et les sièges rouges pour les Etats non membres. New York, le 7 juin 2022.  EPA/ALESSANDRO DELLA VALLE — © Alessandro della Valle / Keystone
La salle du Conseil de sécurité des Nations unies à New York avec les sièges bleus pour les Etats membres du Conseil et les sièges rouges pour les Etats non membres. New York, le 7 juin 2022. EPA/ALESSANDRO DELLA VALLE — © Alessandro della Valle / Keystone

A quoi bon siéger au sein d’un Conseil de sécurité de l’ONU incapable de mettre un terme à la brutale guerre en Ukraine ou au conflit qui dévaste le Yémen depuis des années? Certains Confédérés s’interrogent sur la contribution qu’un petit pays comme la Suisse peut bien apporter à cet organe onusien composé de 15 pays dont cinq sont dotés d’un pouvoir de veto ou de blocage. Ils s’inquiètent des répercussions, sur sa politique de neutralité, du mandat de deux ans qu’exercera la Suisse comme membre non permanent du Conseil de sécurité.

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Berne aurait sans doute préféré une période moins agitée sur le plan international pour faire partie de cette institution onusienne. Il est pourtant du devoir (moral) de la Confédération d’accomplir une telle mission avec engagement et sans arrière-pensée. Depuis son accession très tardive aux Nations unies en 2002, elle s’est beaucoup impliquée dans le système onusien et la Genève internationale en a sans doute bénéficié. Sa présence au Conseil de sécurité n’est qu’une suite logique. Sa prospérité étant tributaire de la stabilité internationale, la Suisse ne peut plus se contenter d’engranger les dividendes de la paix sans apporter sa pierre à l’édifice multilatéral.

Face à la tâche ardue qui attend les diplomates suisses à New York, ceux-ci auront aussi un devoir d’humilité. S’ils peuvent aspirer à promouvoir certains dossiers comme le droit international humanitaire ou la lutte contre le changement climatique, ils ne changeront rien aux rivalités entre grandes puissances qui empoisonnent le fonctionnement du Conseil de sécurité.

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Et la neutralité? Le mandat que va remplir la Suisse est un miroir qu’elle tend à elle-même et une chance unique d’assumer les valeurs qu’elle prétend défendre. Ces valeurs, inscrites dans sa Constitution, correspondent à celle que promeut la Charte des Nations unies, insistent souvent les diplomates à croix blanche. Arrêtons donc d’ériger les bons offices comme une fin en soi que seule la neutralité rendrait possible. La capacité de médiation suisse repose aussi et surtout sur les principes démocratiques que porte le pays. Au cours des deux dernières années, l’Irlande a montré qu’on pouvait être neutre et s’engager sans perdre son âme.

Pour un mandat fructueux au Conseil de sécurité, la Suisse aura toutefois besoin du plein soutien du conseiller fédéral Ignazio Cassis – longtemps rétif à la candidature suisse au Conseil de sécurité – et de son Département des affaires étrangères, dans un contexte électoral incertain pour le PLR. Entamer cette entreprise diplomatique majeure à reculons serait la pire manière de profiler la Confédération à New York.

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