En Suisse, une surface à bâtir sur six n’est pas construite
OPINION
AbonnéOPINION. Contrairement aux idées reçues, selon les statistiques fédérales, tous les cantons sont suffisamment lotis en surfaces constructibles. Ce sont les Romands qui ont le plus de marge, Valais en tête, devant Genève (!), Vaud et Neuchâtel

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Tous les cinq ans, l’Office fédéral de l’aménagement du territoire (OFAT) publie ses statistiques sur l’évolution des zones à bâtir en Suisse. Les chiffres pour l’année 2022 viennent de sortir. Premier constat: la superficie totale des zones d’habitation en Suisse n’a pratiquement pas changé depuis la dernière enquête. Actuellement, 16% de ces terrains à bâtir sont non construits. C’est tout juste un peu moins qu’en 2017. Deuxième constat: dans la plupart des cantons, les zones d’habitation non bâties suffisent à absorber la croissance démographique des quinze prochaines années.
Suisse romande: de grosses réserves
Troisième constat: toute la Suisse romande affiche suffisamment de terrains disponibles. Le Valais (33,3% de réserve en surfaces constructibles) s’affiche en clair champion national. Et, surprise, la situation est très confortable à Genève (27,3%) où plus du quart de la zone à bâtir est disponible! Avec 20,8%, Vaud complète un podium exclusivement romand, juste devant Neuchâtel.
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Attention, toutefois: ces pourcentages de terrains non construits ne tiennent pas compte des processus encore en cours dans les communes qui doivent dézoner. On sait que le Valais et Vaud, notamment, ont déjà entamé des efforts massifs pour réduire leurs surfaces à bâtir.
Genève sur le podium
On peut, dans la foulée, se demander comment Genève – où le manque de logements est un serpent de mer depuis un demi-siècle – parvient à figurer dans le peloton de tête des cantons aux plus larges disponibilités. Peut-être est-ce lié à la difficulté d’obtenir les autorisations de construire? A creuser…
En l’état actuel, force est donc de constater que, sur l’Arc lémanique, la situation reste donc plutôt détendue: en comparaison helvétique, Genève a moitié plus de disponibilités que la moyenne au plan suisse (16%). Sur Vaud, c’est encore un quart de mieux. Mais, bien évidemment, il faut aussi tenir compte du fait que les besoins en logements de ces deux cantons sont assez élevés, car leur population augmente fortement.
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Dans les quinze prochaines années, les résidents vaudois devraient utiliser 16,2% supplémentaires des surfaces à bâtir disponibles. C’est plus que Genève (14,9%) ou que Zurich (16%). Seuls Zoug (17,1%) qui vient d’augmenter ses zones à bâtir de 1,5% et le canton d’Argovie (17%) ont plus de besoins.
Heitenried, Cuarny et Champoz, champions de la sobriété
Il est des régions où la zone à bâtir n’offre plus du tout d’espace. C’est le cas à Fahrni et à Heiligenschwendi (BE), deux villages de moins de 1000 habitants perchés au-dessus de Thoune, à Innerthal, presque la plus petite municipalité de Schwytz avec ses 178 résidents, et à Linescio (TI), un hameau de 48 âmes perdu dans le Vallemaggia en direction de la station de Bosco/Gurin. On le voit, ce sont de toutes petites communes.
En Suisse romande, la municipalité de Heitenried (FR, 1,66%) dans la Singine germanophone, le village de Cuarny (VD, 1,83%) à côté d’Yverdon, et Champoz (BE, 3,39%) dans la vallée de Tavannes font figure de champions en termes de pénurie de parcelles. C’était presque prédestiné pour les citoyens de cette bourgade du Jura bernois qu’on appelle communément les «Champions»…
Dans plus d’une trentaine de communes vaudoises, souvent de taille modeste, telles que Crassier, Chavannes-des-Bois, Penthéréaz, Rivaz, Ependes, Saint-Barthélemy, Champagne ou Bottens, entre 5 et 10% seulement de la zone à bâtir restent à construire. En Valais, les différences sont très marquées entre la plaine et les vallées. Le champion de la sobriété est le petit village de Zwischbergen, de l’autre côté du Simplon, juste avant Gondo, où tout juste 4,5% de la zone à bâtir reste disponible.
Dans la vallée du Rhône, les situations les plus tendues se trouvent à Chippis (10,6%), à Fully (14%) et à Vétroz (17%). C’est dans les proportions genevoises, où des localités de la campagne comme Choulex, Meinier et Soral affichent entre 12 et 15% de disponibilités.
Ergisch (VS) champion suisse
A l’inverse, plusieurs communes romandes tutoient la moitié des terrains disponibles à la construction, Ainsi, Genthod (48,3%) et Céligny (49,2%) sur Genève, Ormont-Dessous (48,8%) et Jouxtens-Mézery (49,2%).
A Bursinel (VD, 51,7%), plus de la moitié de la zone n’est pas construite. La municipalité vaudoise est à la hauteur des cadors valaisans: Evolène (51,7%), Arbaz (51,8%) ou Vex (53,6%). Mais les records absolus du pays reviennent à Trient (58,3%), sur la route entre Martigny et Chamonix, qui est encore très loin derrière Ergisch (68,1%) dans la vallée du Rhône, au-dessus de Tourtemagne.
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