Le Conseil fédéral et la Commission européenne ont reçu le 15 juin dernier un courrier assez sec des organisations faîtières de l’économie suisse et européenne (Business Europe, Economiesuisse et Union patronale), leur demandant d’accélérer les pourparlers entre la Suisse et l’Union européenne. Elles attirent leur attention sur les conséquences de l’exclusion de la Suisse du programme Horizon Europe pour la recherche et l’innovation.

Le 25 juin dernier, M. Ignazio Cassis, président de la Confédération, répondait indirectement à ces plaintes lors de l’assemblée des délégués du Parti libéral-radical réunie à Andermatt. Il a d’abord rappelé les circonstances qui ont amené le Conseil fédéral à rejeter l’accord institutionnel le 26 mai 2021: «Le pas à franchir était trop grand, les concessions attendues de la part de la Suisse, disproportionnées», a-t-il déclaré. «Les organisations et associations qui écrivent des lettres n’ont en vue que leur intérêt propre, guère l’intérêt général, et se gardent d’indiquer comment résoudre notre problème avec l’UE», a-t-il dit en substance. Et d’ajouter: loin de contribuer à la solution, ces organisations deviennent une partie du problème. Le parlement a lui aussi des exigences irréalistes.

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Sujets sensibles

Le Conseil fédéral reproche aux organisations de l’économie de ne pas s’exprimer sur la voie à suivre pour atteindre l’objectif – ce qui n’est pas leur rôle, mais bien celui du Conseil fédéral, à qui il incombe de mener les discussions en cours à leur terme. Le troisième round des discussions exploratoires vient juste de se tenir à Bruxelles; on a créé un comité d’experts qui fera le point sur les évolutions possibles dans le domaine de la libre circulation des personnes. Ce sont les sujets sensibles qui avaient entraîné la rupture des négociations l’an dernier.

Préalablement à l’ouverture de nouvelles négociations souhaitées par la Suisse, il faut bien en passer par la clarification des questions laissées en suspens depuis 2019 et dont on croyait s’être débarrassé. En écartant l’accord institutionnel pour n’en retenir bon gré mal gré que certains éléments, le Conseil fédéral a fait fausse route. Il n’y aura pas de négociation substantielle sur un nouvel accord tant que la base institutionnelle n’est pas agréée. C’est dans le détail de ces mesures que l’on pourra constater s’il existe assez de flexibilité de part et d’autre pour poursuivre l’exercice. Feu l’accord institutionnel était le fruit de tels compromis. Le rejet des appels de l’économie privée suisse et européenne n’est pas de bon augure.

Des relations toujours asymétriques

L’Union européenne ne veut plus des relations bilatérales avec la Suisse telles qu’elles étaient ni telles que la Suisse se les imagine. Elle est disposée à laisser la Suisse accéder à certaines parties de son marché intérieur, à condition que les accords bilatéraux y relatifs soient encadrés par des procédures juridiques contraignantes. Elle tient le couteau par le manche: le rapport de force lui est favorable, la Suisse est un partenaire fiable mais son poids dans les échanges n’est pas déterminant. Gardienne des institutions, la Commission bénéficie de l’appui des Etats membres quand elle édicte des règles de gestion loyale et équitable du marché ou qu’elle défend les prérogatives de la Cour de justice de l’UE. Elle n’a pas dévié de son objectif depuis douze ans.

L’accord jeté aux orties offrait une voie équilibrée et largement concertée pour y parvenir. La Suisse l’a refusé sans présenter de solution alternative valable. Et aujourd’hui, elle a préparé un paquet mixte, combinant des accords d’accès au marché avec de légères clauses institutionnelles. La démarche n’a de chances d’aboutir que si l’on tient compte aussi des intérêts de l’Union, avec laquelle les relations seront toujours asymétriques. On doit encore préparer l’opinion publique aux concessions et aux avancées qui permettront de lever les incertitudes actuelles et l’insécurité juridique qui en découle pour les opérateurs du marché.

Pour l’heure on paraît tourner en rond. Va-t-on soumettre les pourparlers exploratoires avec la Commission à la même érosion lente que celle qui frappe les actuels accords sectoriels bilatéraux?

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