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Suisse-UE: de l’amour à l’amitié

En fait d’avancées, Berne et Bruxelles sont en fait retournés à la situation qui prévalait avant 2014. Franchir le cap d’un nouvel accord dynamique semble un pas de géant, difficile à franchir

La bise entre Doris Leuthard et Jean-Claude Juncker jeudi 23 novembre à Berne. — © PETER KLAUNZER/AP/Keystone
La bise entre Doris Leuthard et Jean-Claude Juncker jeudi 23 novembre à Berne. — © PETER KLAUNZER/AP/Keystone

Berne et Bruxelles célèbrent une nouvelle dynamique dans leurs relations. Sourires et bises: des accords ont été débloqués, de nouveaux projets de coopération s’apprêtent à être conclus. Le Conseil fédéral libérera un nouveau milliard de cohésion en faveur des pays de l’Est.

Les apparences sont trompeuses. On en oublierait presque que Doris Leuthard et Jean-Claude Juncker n’ont fait jeudi que constater que la période de gel qui s’est abattue sur la voie bilatérale le 9 février 2014 suite au vote «contre l’immigration de masse» est désormais révolue.

Effritement des relations?

Mais le problème de fond entre la Suisse et l’Union européenne reste entier. Les relations bilatérales sont statiques. A défaut d’une nouvelle dynamique de nature institutionnelle, elles sont condamnées à s’étioler. La Suisse ne pourra plus conclure de nouveaux accords sectoriels d’accès au marché dans des domaines aussi vitaux que l’électricité, les services financiers et demain le numérique.

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Depuis 2014, Berne et Bruxelles ont certes progressé dans la négociation d’un accord-cadre chapeautant l’ensemble de la relation. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, est même convaincu qu’une conclusion de ce traité, qu’il a renommé «accord d’amitié», est possible d’ici au début de l’an prochain.

Attendre ou se hâter?

Ce calendrier peut paraître romantique. Le Conseil fédéral – surtout depuis qu’il a accueilli Ignazio Cassis, l’homme du «reset» – semble peu pressé d’avancer dans une voie compliquée à expliquer et qui, sur le papier, peine à convaincre. Mais quelles sont ses options? Ni la mise à terre des accords bilatéraux ni l’adhésion ne sont majoritaires. Et il est sans doute utile de rappeler que l’idée d’un accord institutionnel vient d’élus PLR notamment, qui y voyaient dans les années 2000 une alternative à l’adhésion.

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Le tempo annoncé est rapide dans la mesure où le Conseil fédéral n’a pas encore su clarifier sa stratégie et ses intentions vis-à-vis de Bruxelles. Mais ralentir le rythme, c’est aussi courir le risque que la Commission européenne, appelée sur d’autres fronts, replace le dossier helvétique sous la pile. Le Brexit en avait donné un exemple foudroyant en juin 2016, alors que la Confédération pensait encore pouvoir obtenir des concessions sur la libre circulation des personnes.

Aujourd’hui, c’est l’absence de gouvernement en Allemagne qui inquiète Bruxelles. En 2019, les élections européennes rebattront les cartes et Jean-Claude Juncker, «l’ami suisse», quittera la Commission. La Suisse a l’occasion de se poser sérieusement la question: à qui est-ce que cela profiterait le plus d’attendre?