ÉDITORIAL. Alors que le nombre d’utilisateurs est stable depuis des semaines à 1,87 million, il est temps de réfléchir aux peurs et aux blocages qui ont nui à un emploi plus important de l’app

Oui, SwissCovid est utile. Affirmons-le d’emblée, comme nous l’avions déjà exprimé ici l’année passée. L’application de traçage des contacts a permis à des personnes asymptomatiques, alertées par une notification, de se faire tester. Et ensuite de se mettre en isolement à la suite d'un test positif. Un test qu’elles n’auraient sans doute pas fait sans l’application. SwissCovid permet d’éviter de nouvelles contaminations, voire des hospitalisations et des décès. Combien? Des dizaines, des centaines? Nous ne le saurons jamais.
Lire également: Six mois après, quel bilan pour SwissCovid?
Six mois et demi après le lancement de cette app, il est temps d’entamer une réflexion plus profonde. Nous le disions en juin déjà: SwissCovid n’est qu’un petit outil parmi tant d’autres pour lutter contre le virus. Aujourd’hui, on se rend compte que cet outil numérique aurait pu être nettement plus utile. Car la technologie, en soi, ne sert presque à rien. C’est en étant accompagnée d’une réflexion beaucoup plus large, en intégrant des éléments humains et organisationnels, qu’elle peut (ou aurait pu) déployer des effets plus positifs encore à large échelle.
Parfaite du point de vue technique, de la sécurité et du respect de la vie privée, l’app s’est vite heurtée à des obstacles majeurs. Il y a eu son intégration laborieuse au sein du système de santé: débordés et parfois réticents à travailler avec l’app, des médecins cantonaux ont souvent livré avec retard, voire parfois pas livré du tout, les codes permettant d’alerter son entourage.
Pas de quoi susciter l’enthousiasme autour de cette app, dont le nombre d’utilisateurs n’a pas bougé entre fin octobre et aujourd’hui. Les promoteurs de SwissCovid ont aussi sous-estimé les dégâts, dans l’opinion, causés par les critiques – injustifiées – liées à sa sécurité.
L’app est aussi sans doute sous-utilisée pour une autre raison, toute simple: la volonté de ne pas inciter amis, membres de sa famille ou collègues à se mettre en quarantaine en cas de résultat positif. Mais aussi le fait de ne pas vouloir recevoir de notification, par crainte de devoir se mettre soi-même en isolement. C’est, en réalité, comme pour les tests: certaines personnes ne les font pas, par crainte des conséquences pour leur emploi ou leurs relations sociales.
La Suisse peut se vanter, avec raison, d’avoir les meilleurs ingénieurs du monde. Mais sans une vision plus large sur leur acceptation sociale, les technologies les plus brillantes ne sont, au final, qu’une suite de lignes de code.
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Il y a 2 semaines
Un article qui pose de bonnes questions mais n’amène aucun élément de réponse...
Il y a 2 semaines
"...les critiques – injustifiées – liées à sa sécurité."
Ainsi, les nombreuses interventions et mises en garde de Madame Solange Ghernaouti, du professeur Vaudenay, de l'EPFL, et d'autres spécialistes de la sécurité attirant l'attention du public sur les risques inhérents à cette application, dans ce journal même et ailleurs, seraient pure fiction? Vos lecteurs auraient-ils rêvé?
Il y a 2 semaines
@Robert: les méthodologies AGILE, les standards ITIL et consorts nous encouragent, nous autres ingénieurs TI, à remettre l'humain au centre des outils que nous produisons. Certains rôles dans l'entreprise sont dévolus à cette amélioration des relations TI-Affaires (ou BRM, pour Business Relationship Management).
Cette première mouture de SwissCovid a ses problèmes de jeunesse qui disparaîtront avec le temps, mais elle est déjà remarquable à mon point de vue. Ce n'était de loin pas couru d'avance. Nous (en Suisse) serons prêts pour la prochaine vague ou pandémie.
Comme @André, je reste sur mes gardes question sécurité et vie privée, et les évènements survenus à Singapour (où la police a détourné l'application pour surveiller le quidam) sont là pour nous le rappeler. Les jetons anonymes avec Bluetooth au lieu d'une app pourraient bien être la solution la plus acceptable pour une catégorie de personnes, qui, comme moi, "n'avons rien à cacher" mais chérissons nos vies privées.
Par contre, ce qui m'ennuie le plus est le manque de coordination avec nos voisins. Encore le fameux "y'en a point comme nous" ou "Sonderfall" helvétique. L'intéropérabilité restera clé au moment où les frontières rouvriront, et nous devrons alors nous adapter aux plus nombreux que nous pour des raisons pratiques ou démontrer que notre façon de faire est meilleure... Je nous souhaite bien du courage de ce côté-là.
Il y a 2 semaines
Au risque de passer pour un luddite j’ai la conviction que la numérisation de nos sociétés, avec au final le traçage et la capitalisation de nos moindres faits et gestes, fera plus de mal que de bien. Que la motivation première de l’application soit sanitaire n’y change pas grand chose, il y aura tôt ou tard une volonté de contrôle ou de monétisation qui va s’exprimer au dépends du simple pékin. Le fait que la société Mastercard collabore avec GAVI pour adapter son “wellness pass” en y incluant une certification de vaccination Covid en est une bonne illustration. L’expérience humaine se résumera t elle à un jeu d’argent?
Il y a 2 semaines
Quel est l'intérêt d'un journal pour ânonner
"parfaite du point de vue technique, de la sécurité et du respect de la vie privée"
et
"les critiques - injustifiées - liées à sa sécurité"
tout en stigmatisant les critiques pour les rendre responsables d'un déficit d'opinion?
Les problèmes de sécurité et de protection de la vie privée subsistent. On peut injecter une fausse alerte sur un téléphone en quelques secondes. On peut suivre à la trace un téléphone et plus encore (à suivre). Il suffit de faire une recherche sur "the dark side of SwissCovid" pour s'en convaincre.
Il y a 2 semaines
De là à penser que la focalisation actuelle sur le vaccin comme seule réponse, là aussi technologique, ira aussi à l'échec ?
https://www.livescience.com/south-african-coronavirus-variant-antibody-…
Il y a 2 semaines
penser qu'une application permettait de simuler des contacts entre personnes était déjà problématique à la base : un simple contact physique de quelques secondes peut suffire à propager la maladie alors que l'application comptait au moins 10 minutes d'un rapprochement à moins d'un mètre ! sans compter le faible taux de tests sans lesquels elle ne servait à rien ... et autres défauts ...
On a gaspillé beaucoup d'énergie dans une voie sans issue que j'avais dénoncé il y a plus de 6 mois ! A oublier ...
Maintenant, il faut se concentrer sur les vaccins ...
Il y a 2 semaines
Inspirons-nous des pays où la pandémie est contrôlée : 1. fermer strictement mais pas longtemps. 2. Il ne restera plus qu’un faible de nombre de contamination. 3. Rendre obligatoire et intrusive l’appli Swiss Covid. 4. Le traçage sera efficace et les contaminations resterons faible. 5. On peut travailler en attendant que le vaccin fasse effet.
Il y a 2 semaines
"Mais aussi le fait de ne pas vouloir recevoir de notification, par crainte de devoir se mettre soi-même en isolement. C’est, en réalité, comme pour les tests: certaines personnes ne les font pas, par crainte des conséquences pour leur emploi ou leurs relations sociales."
Là réside à mon sens l'une des principales problématiques de l'application. Aucune légitimation légale vis-à-vis de la notification. En ayant fait les frais personnellement je me suis retrouvé face à une hotline livide m'avouant ne pouvant rien faire face à un employeur dans l'embarras me demandant de venir travailler, ne pouvant faire autrement. Face à un certificat médical légitimant le tout, cette application fait pâle figure.
En outre, quid du lieu de ladite contamination ? Était-ce dans un train où les passagers bien espacés et masqués ne risquaient peu, ou alors au café/bar (RIP) où les distances étaient bien moins respectées...
Au bout de la 3ème notifications et du 3ème test négatif on commence à perdre confiance....