ÉDITORIAL. Pour que l’application suisse de traçage des contacts soit utilisée par un maximum de personnes, il faut que les autorités soient transparentes et à l’écoute des critiques

Quinze pour cent? 25%? Peut-être même 40%? Impossible pour l’heure de prédire la part de la population suisse qui téléchargera, puis activera, l’application de traçage des contacts SwissCovid. Après plus de trois mois de développement et de tests, voici l’app qui fait la fierté de l’EPFL, disponible pour tous les smartphones, pour autant qu’ils soient récents. Derrière ce lancement se situent deux enjeux, qu’il faudra garder dans un coin de nos têtes ces prochaines semaines.
D’abord, il ne faut pas surestimer cette app. Destinée à identifier et casser les chaînes de transmission du virus, elle n’est qu’un petit complément au traçage classique, effectué par les médecins cantonaux via le téléphone. N’attendons donc pas trop de SwissCovid: ce sera une petite aide pour réduire le nombre de contaminations, sans plus. Entre ceux qui ne la téléchargent pas, ne l’activent pas, ne portent pas leur téléphone sur eux, refusent de se déclarer malades via l’app ou de se faire tester ensuite, les écueils sont innombrables.
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De faibles attentes face à l’app, donc. Mais des attentes extrêmement élevées face aux autorités. L’enjeu principal est là: le Conseil fédéral, l’OFSP, l’EPFL ou encore le préposé fédéral à la protection des données doivent être absolument irréprochables. Ce n’est qu’avec une communication parfaite et une transparence totale qu’ils gagneront la confiance des citoyens. Sans cette confiance, impossible de faire télécharger cette app, aussi respectueuse de la vie privée soit-elle.
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Jusqu’à présent, cela n’a pas été parfait. Il a ainsi été inacceptable d’apprendre, par hasard, de la bouche d’un conseiller aux Etats, qu’un service d’Amazon était utilisé pour SwissCovid – d'autant plus qu'une partie de ses propos se sont ensuite révélés faux.
Cela semble être un détail. Mais c’est pourtant essentiel. Echaudés par le siphonnage de données effectué depuis des années par Google et Facebook, notamment, de nombreux citoyens ne veulent pas d’un SwissCovid jugé – à tort – intrusif. Pour ne pas faire fuir ceux qui sont disposés à télécharger l’app, les autorités doivent écouter les critiques et corriger avec effet immédiat et de manière transparente les erreurs.
SwissCovid ne sera pas l’arme absolue contre le virus. Mais il vaut la peine de l’utiliser, car tout porte à croire qu’elle a été réalisée avec sérieux. Utilisons-la pour nous protéger nous-même, mais aussi, tout simplement, pour protéger la société.
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Il y a 6 mois
Vous avez dit ce qui est essentiel - merci!
Il y a 6 mois
Je suis avec intérêt la story SwissCovid, ses avantages et inconvénients, ses potentiels autant bénéfiques que destructeurs, mais surtout la réaction d’une population qui, d’un côté, a senti le vent du boulet suffisamment proche pour s’inquiéter - de moins en moins d’ailleurs - d’une possible deuxième vague, et de l’autre, s’insurge sainement contre toute utilisation excessive possible des données personnelles, alors qu’elle fournit chaque jour sans ciller aux GAFAM des terabytes entiers de photos géolocalisées, balisées de hashtags et aux visages exposés aux logiciels de reconnaissance faciale. Avons-nous trop ou trop peu le choix, pour s’être forgés un tel paradoxe digital ?
Il y a 6 mois
J'ai installé l'app depuis deux semaines, et ma batterie tient encore le coup, c'est le plus important ;)
Étant informaticien, j'ai le plaisir d'avoir lu le code source et d'avoir pu me faire une idée de la bonne écriture du logiciel qui tourne dans mon téléphone.
Effectivement, le gain est peu, mais actuellement chaque petite pas vers une réduction des infections compte. Les quelques attaques qui sont décrits par Prof. Vaudenay sont bien moins grave que le simple fait de porter un téléphone portable sur moi toute la journée. Et d'utiliser Whatsapp, l'internet, et toutes les autres applications.
En somme: installez l'app, dans le pire des cas, ça va vous proposer de vous mettre en quarantaine...
Il y a 6 mois
« Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes. »
Phrase (apocryphe) attribuée à Bossuet
Et si on devrait remplacer « Dieu » par p.ex. « la société », cela sonne néanmoins tellement juste.
P.S La citation véritable est:
« Mais Dieu se rit des prières qu'on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s'oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je ? quand on l'approuve et qu'on y souscrit, quoique ce soit avec répugnance. »
Il y a 6 mois
l'article pointe du doigt un fait essentiel, hélas pas ses conséquences ultimes : l'app ne prendra suffisamment pied ou racine dans la population qu'avec la confiance. Or le but annoncé de "transparence et sécurité totales sur le système résultant" ne peut être atteint aujourd'hui, par aucune instance fédérale ou même suisse, car la vraie maîtrise du système, même décentralisé sur les smartphones, se trouve à 50/50 chez Google et Apple. (passer par Amazon pour certaines fonctions est une erreur secondaire qui aurait pu être évitée). Peut-être aurait-il mieux valu redimensionner cet objectif en "transparence et sécurité les plus grandes possibles pour la part des instances fédérales ou suisses" ? La population aurait-elle souscrit à cet autre objectif, moins ambitieux, mais reflet de la (triste) réalité des rapports de force techniques ?
Il y a 6 mois
Bertrand B.