«The Last of Us», la maturité de deux industries populaires: les séries et les jeux vidéo
ÉDITORIAL. La série événement du moment adapte un jeu vidéo en feuilleton. Jusqu’ici, une telle démarche menait à de piètres résultats. Là, les deux secteurs surpuissants travaillent ensemble… pour le meilleur

La RTS a réussi un joli coup en pouvant diffuser The Last of Us, la série postapocalyptique qui fait le ramdam mondial depuis son dévoilement américain le 15 janvier. C’est positif non seulement pour l’image de la télé romande au moment où les séries HBO risquent de migrer vers certaines plateformes, mais aussi parce que le feuilleton se révèle d’une haute qualité, et d’une fabrication étonnante; et encore, parce qu’il réussit l’union presque miraculeuse entre deux publics, pas toujours amis.
Nos deux critiques: La série «The Last of Us» vue par un novice et un gameur confirmé
Cette quête, cette histoire d’une jeune fille devant être déplacée dans des Etats-Unis ravagés par une pandémie qui transforme les gens en morts-vivants, est issue d’un jeu vidéo. Or, pour une fois, les amateurs du jeu ne sont pas fâchés et les fidèles des feuilletons ne hurlent pas à la pacotille de marché de niche, fût-il d’envergure mondiale. Jusqu’ici, les séries ont parfois inspiré des jeux relativement corrects tandis que les déclinaisons de jeux en images animées, films ou séries, n’ont presque jamais fait lever un sourcil. Dans les exploits récents, songeons à la soporifique The Witcher, conçue uniquement pour river les fans à une Netflix qui doit redoubler d’efforts pour garder ses ouailles.
Et le point de vue d'une experte: Pour la mycologue Katia Gindro, le scénario de «The Last of Us» est difficilement concevable
Rien de cela avec The Last of Us. Les auteurs prennent-ils des libertés avec le jeu? Les gamers approuvent, applaudissent même. Les scénaristes respectent le rythme posé, voire lent, du jeu, et sa structure épurée. Les sériephiles goûtent cet étonnant classicisme narratif, fort éloigné des autres fictions récentes à base de zombies traquant les vivants en courant comme des dératés.
De toute évidence, The Last of Us consacre la maturité de deux industries populaires. Cela fait des années que les analystes relèvent le fait que le secteur des jeux vidéo pèse plus lourd que Hollywood (mais pas que le cinéma mondial, soyons précis). Des années aussi que les fervents des séries clament la victoire totale de leur genre favori sur l’imaginaire populaire, et sur les industries du divertissement. Alors que le cinéma a été bouleversé par la pandémie – comme le monde de The Last of Us –, jeux et feuilletons triomphent dans les canapés, les chambres des enfants, sur les petits écrans. Ils font pénétrer des univers, disons ludo-fictionnels, dans la vie des gens, jeunes et moins jeunes, avec un degré d’intimité jamais atteint auparavant. Le business impose d’ailleurs un brouillage des frontières, puisque Netflix se met aux jeux, afin, toujours, de conserver ses abonnés.
Lire également: Les zombies de «The Last of Us» débarquent sur la RTS
C’est pourtant de HBO, une vieille chaîne de télé – certes désormais agressive dans le monde par sa plateforme web –, que vient cette réunion au sommet des jeux et des fictions. Les deux créateurs de The Last of Us viennent du jeu d’origine et des séries (l’auteur de la stupéfiante Tchernobyl). Il fallait une telle rencontre pour ouvrir un nouveau chapitre, enfin créatif, des relations entre les deux grandes industries populaires.
Vos contributions
connexion créer un compte gratuit