L’hebdomadaire The Economist de cette semaine le dit si bien. Pendant toute la guerre froide, la Turquie a servi comme l’un des fidèles bastions à l’Europe contre les menaces soviétiques. Aujourd’hui, elle sert de barrière contre les migrants désespérés venant du Moyen-Orient.

Dans le passé, la Turquie l’a fait dans l’attente d’un rapprochement politique et économique avec l’Europe. Elle a attendu en vain. Cette fois-ci, elle demande un prix.

Un accord de principe a été agréé la semaine dernière. Il pose d’innombrables problèmes politiques, légaux et même moraux. D’autant plus que Recep Tayyip Erdogan en fait trop pour montrer que c’est lui qui tient le couteau par le manche. Le chef d’État turc ne manque aucune occasion pour ironiser sur le fait que l’UE, 500 millions d’habitants, chipote pour gérer un million de réfugiés alors que son pays, 77 millions, accueille 2,7 millions de Syriens, d’Irakiens et d’Afghans.

En effet. Si l’UE veut maîtriser le flux migratoire qui lui pose même des défis existentiels, un accord avec la Turquie est indispensable. Ankara offre les meilleures perspectives si l’UE ne veut pas d’une migration massive et chaotique. Les uns et les autres ont raison de craindre que le remède ne soit plus amer que le mal, mais de toute évidence, il n’y a pas d’autres solutions.

Un échec au sommet EU-Turquie en cette fin de semaine à Bruxelles serait le pire des scénarios. Recep Tayyip Erdogan est bien capable d’ouvrir la vanne et transformer la Grèce en un vaste camp de réfugiés. Ce qui se passe depuis une dizaine de jours à Idomeni, à la frontière grecque avec la Macédoine, où plus de 15 000 d’enfants, de femmes et d’hommes croupissent dans la boue et le froid ne serait alors que l'annonciateur d’une tragédie humaine à une échelle beaucoup plus grande.

Face à l’amour impossible entre l’UE et la Turquie, il peut bien avoir un mariage de raison, non?

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