Mi-février, l’Association suisse des infirmiers et infirmières (ASI) écrit: «Un personnel soignant qualifié permet d’éviter des centaines de décès et pourrait faire économiser des milliards de francs au système de santé.» La même semaine, la HES-SO Valais exécute l’injonction du ministre de tutelle et formalise la diminution des exigences de formation des infirmières par l’annonce de recrutement d’un-e responsable de filière école supérieure (ES) soins infirmiers. Mortelle ambiguïté!

Santé et économie vont de pair

L’étude de l’ASI n’est pas à même de préciser «personnel soignant qualifié». Cette ambiguïté joue la carte des décideurs politiques peu éclairés qui répondent à l’appel du volume par la diminution des qualifications. Faux! Le nombre est important, le niveau de formation l’est bien plus. Une pléthore d’études démontre que le niveau de formation de l’infirmière détermine la qualité et la sécurité du soin. Un niveau bachelor (HES) est associé à moins d’infections nosocomiales, moins d’erreurs médicamenteuses, moins d’escarres, moins de chutes, moins de décès, etc. Le rapport de l’ASI s’appuie sur les statistiques de l’OFSP. Elles ne permettent pas de distinguer l’impact du différentiel du niveau de formation ES et HES. Cela viendra! En attendant, nous continuons à nous référer aux nombreuses publications du Lancet, du British Medical Journal, du Health Affairs, et autres. Elles sont éloquentes et unanimes: de meilleurs résultats cliniques pour les infirmières disposant d’un niveau HES.

La qualité qui distingue l’infirmière est plus l’expression de ses habilités cognitives que la démonstration des gestes techniques

Une voie ES correspond à deux tiers du parcours de formation d’une infirmière HES. Cette formation d’exécutante (ES) était en vigueur… et adéquate il y a trente ans. Le monde a changé. En 2020, l’ES est un leurre, un cul-de-sac pour les jeunes. Former une infirmière ES coûte 50% plus cher. Pour justifier un niveau ES, on entend: «On veut du plug and play!» «Pas besoin de niveau académique pour torcher des…» Un manque de respect! C’est ignorer ce qu’une infirmière fait. Un sondage réalisé par l’ASI Valais en 2019 indique qu’environ neuf infirmières sur dix ne veulent pas un retour en arrière par l’ouverture d’une voie ES. Parce qu’il s’agit d’une profession dite féminine, ce bafouement est permis. Tout le monde peut piquer! Aujourd’hui, la qualité qui distingue l’infirmière est plus l’expression de ses habilités cognitives que la démonstration des gestes techniques. L’infirmière, c’est l’épine dorsale du système sanitaire. La population le sait. Comprimer les salaires des simples exécutantes est l’ambition inavouable. Cet acharnement politique se traduit par «lutte contre la pénurie». La pénurie invoquée est inexistante, du moins en Suisse romande. Pour cause, l’introduction de la voie HES s’est avérée la meilleure stratégie contre la pénurie. Les jeunes s’engagent, ont des perspectives professionnelles, et disposent d’un vrai statut. Enfin, les études économiques confirment des meilleurs résultats financiers avec les infirmières disposant d’un niveau HES. Oui, santé et économie vont de pair!

Pas de soignants au rabais

C’est affligeant, le Covid-19 fait ce que la politique devrait faire. Ce micro-organisme révèle et met en lumière l’intrépidité infirmière. Il suscite des vocations. Ce virus défend des conditions de travail adéquates et sécuritaires. Cette pandémie oblige à réévaluer l’utilité sociale des métiers. Le salaire des infirmières HES doit suivre les courbes d’évolution salariale des autres métiers HES. Ce n’est pas le cas et c’est infondé! Tout le monde est d’accord… aujourd’hui. Cet agent infectieux nous rappelle l’importance du niveau de formation. Pas de soignants au rabais en réponse à la complexité grandissante du soin. Ce pathogène rejette intelligemment l’ouverture d’une ES en Valais romand. Cet acaryote fait émerger la voix des infirmières, le noyau d’un pouvoir politique. L’infirmière a dépassé le stade de l’auxiliaire. Elle fera le nécessaire pour le bien des patients, la population, les jeunes, les femmes et la profession. Elle ira au bout pour ancrer un statut juste, un niveau HES pour entrer dans la profession et les conditions qui vont avec.

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