Il est très difficile d’expliquer à qui n’est pas du métier académique que chaque profil de candidat à un poste de professeur est singulier et qu’il est impossible de commencer par établir entre deux candidats qu’ils sont: «A valeurs analogues, à profils d’excellence comparables, à qualités scientifiques et humaines proches, voire similaires» et de donner ensuite en toute bonne conscience la priorité à un candidat national. Pendant longtemps, ce mécanisme a joué dans la plupart des universités européennes et j’en fus moi-même la victime dans mon propre pays où la règle était de nommer quelqu’un de la même province!

Il est aussi difficile d’expliquer que, d’une certaine façon, les universitaires comme les artistes d’ailleurs ont une nationalité secrète, bien plus forte que celle de leur passeport. Une carrière et une réputation se construisent dans le monde entier. Les bonnes revues scientifiques sont internationales. Un candidat qui n’a jamais travaillé en dehors de son université d’origine et qui n’a jamais publié que dans des revues locales est suspect a priori et à juste titre, tout comme un musicien qui n’aurait jamais donné de concerts que dans sa ville natale.
Cette mondialisation de la science repose sur une évidence: la recherche progresse dans beaucoup de pays et un fragment de connaissance obtenu quelque part n’a pas de passeport. Notre physique a reçu des apports anglais, français, allemands et américains, mais elle est une et cette unité est sa véritable marque. Il faut le délire nazi ou soviétique pour soutenir une science nationale.

Concrètement, l’EPFL a grandement bénéficié d’un président fribourgeois qui était médecin après des présidents tous Vaudois et ingénieurs. La nationalité du futur recteur de Genève est le type même de faux problème par lequel les plus mal placés essaient de brouiller le problème.

Parler de «ségrégation internationaliste» est une contradiction dans les termes puisque l’internationalisme consiste précisément à ne pas établir de ségrégation sur la base du passeport, qui ne dit rien de la qualité du candidat et tout du hasard de sa naissance.

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