La coopération transfrontalière de l’Arc jurassien doit rebondir

La libraire locale de Morteau, en décembre, n’avait commandé que huit exemplaires du tout nouveau Guide du routard de l’Arc jurassien. Sa réserve s’est épuisée en quelques heures. La commerçante avait sous-estimé le produit, la sortie de presse et la thématique. L’anecdote raconte beaucoup. Elle raconte la confidentialité des travaux de la Conférence transjurassienne (CTJ), en matière de coopération transfrontalière, sa «sous-optimisation» selon la pudique et élégante formule des experts parisiens de la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT), mandatés en 2013 pour un audit de la coopération transfrontalière de l’Arc jurassien comtois et suisse. A Villers-le-Lac (Doubs), le 19 décembre dernier, la MOT a révélé les lignes de force de cet audit devant les acteurs suisses et comtois.

Le phénomène le plus tangible souligné par la MOT est lié au flux des 35 000 frontaliers qui, chaque jour, viennent travailler en Suisse. Cela engendre des conséquences en cascade:– la croissance démographique est plus forte;– le prix de l’immobilier monte;– le territoire construit se mite;– l’emploi et la formation sont objets de controverses;– l’interaction touristique reste limitée;– les activités agricoles et sylvicoles sont faiblement intégrées;– l’économie est dirigée de l’extérieur;– les acteurs se connaissent peu;– les excellentes données de l’Observatoire statistique transfrontalier de l’arc jurassien (Ostaj) sont sous-exploitées;– l’action transfrontalière se focalise sur quelques sujets (formation, économie) et peu sur d’autres (culture, services à la population);– l’organisation culturelle et citoyenne est sous-développée;– il y a manque global d’ingénierie et de coordination.

Le rapport de la MOT est basé sur 14 audits auprès de 100 personnes consultées en 2013 dans une région sans centre fédérateur et situé partiellement dans un espace de moyenne montagne. Il offre aujourd’hui un outil stratégique et un nouveau point d’appui de nature à générer un nouvel élan de la coopération transfrontalière de l’Arc jurassien.

La stratégie transfrontalière est insuffisamment partagée, affirment les experts de la MOT. En 2012 et en 2013, à Montbéliard, puis à Besançon, le Forum transfrontalier Arc jurassien avait en effet révélé l’absence de la dynamique transfrontalière dans les processus de communication de la presse, aussi bien que des collectivités locales, dont plusieurs se sont alors engagées à participer à l’effort. Une stratégie partagée à plusieurs échelles est probablement le postulat le plus important donné par la MOT à l’Arc jurassien. Une stratégie à partager, donc, avec les exécutifs locaux, la presse, les espaces naturels, les coopérations urbaines, les espaces transfrontaliers voisins (Bâle, Genève, Eurorégion, autres espaces transfrontaliers européens). Le «multi-niveaux» est la clé du sursaut de l’Arc jurassien. Une articulation est à imaginer en place de la superposition d’activités révélées par l’enquête.

En comparaison internationale et nationale suisse, la MOT estime original le statut indépendant d’une structure citoyenne et civile. En effet, hors dispositif, le Forum transfrontalier offre à l’Arc jurassien une structure de contribution jugée précieuse en tant que force de débat (citoyen), de rencontre (transfrontière) et de proposition (de champs d’action nouveaux). Mais, dit la MOT, l’enrichissement mutuel des acteurs publics et des sociétés civiles est insuffisamment développé dans les organigrammes de l’Arc jurassien. Il convient d’asseoir la représentation du monde socio-économique et des sociétés civiles et culturelles à l’action d’ensemble sur le territoire, et d’impliquer la société civile par une coopération encore plus décisive.

La CTJ a opéré sa première mue en 2005, en activant divers projets transfrontaliers porteurs. Elle poursuit cet effort de gouvernance en diligentant en 2013 un audit de la MOT. Entre autres recommandations, il est demandé d’accroître, d’une part, la lisibilité de son action de coopération, mais aussi mettre l’accent sur l’articulation multi-niveaux de l’action transfrontalière et enfin de favoriser une implication plus décisive de l’action civile. Le sursaut est attendu en 2014. Dès lors, une «Région de projets» pourrait devenir «Projet de Région». Elan nouveau pour l’Arc jurassien comtois et suisse.

Président du Forum transfrontalier Arc jurassien

La Mission opérationnelle transfrontalière met le doigt sur le manque de rencontres et de débats

Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.