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Un slow pour les victimes d’Orlando

Les sinistres bagarres de l’Euro et, plus grave, la tuerie d’Orlando. Ce dimanche noir a laissé sans voix. Quand il n’y a plus de mots, il est bon de danser un slow.

Les hommages aux victimes de la fusillade se sont multipliés. — © AFP or licensors
Les hommages aux victimes de la fusillade se sont multipliés. — © AFP or licensors

Il y a des soirs où l’on n’a plus de mots. Des moments où on est si abattus que la seule chose à faire est de se taire et danser, tête contre tête, corps emboîtés. Dimanche soir, j’étais dans cet état hébété. Car, comme vous, ce jour chagrin, j’ai été mise deux fois K.O. La première, lorsque j’ai regardé – en boucle, c’est vrai –, ces supporters russes et anglais se charger comme des forcenés dans les rues de Marseille et mesurer leur ego d’ânes bâtés à coups de chaises et de bouteilles.

J’ai grandi foot, je suis foot. Mon grand-père, mes oncles, mes frères, mes fils, mes neveux… Ma famille est foot et lorsque le jeu est à la hauteur – l’Italie, lundi, merci! –, ce sport est plus qu’un sport, c’est une ferveur. J’ai été, je suis encore, une mère supporter. Je connais cet emportement qu’il faut maîtriser quand un attaquant manque l’immanquable ou qu’un défenseur se fait fumer. Parfois, souvent, la moutarde me monte au nez. Mais prendre le foot comme prétexte pour se castagner, je ne vois pas. J’ai beau chercher dans les recoins de mon refoulé, me dire qu’on a tous en soi une forme de bestialité, je ne comprends pas ces rendez-vous de baston programmée. Et quand je ne peux pas mettre de mots, je danse un slow.

Car après les joies de l’Euro, dimanche a pris la couleur encore plus sinistre d’Orlando. Quelles que soient les raisons qui ont poussé ce jeune homme à tuer, extrémisme religieux et/ou homosexualité contrariée, là non plus, je n’arrive pas à comprendre comment un être humain bien intégré dans la société peut prendre un fusil d’assaut et tirer à bout portant sur des dizaines d’autres êtres humains. On suppose désormais qu’Omar Seddique Mateen n’assumait pas son homosexualité et voulait punir, supprimer cette part de lui en massacrant des dizaines de gays… L’hypothèse tient. Mais elle continue à me sidérer.

Dimanche soir, en tout cas, j’étais sonnée. Alors j’ai demandé à mon chéri de danser. Il a mis «Everybody Hurts», slow mythique et fort à propos, et là, magie, on a ri. Parce que oui, on s’est enlacés serrés, mais on a aussi dansé à la mode grand-papa, une main sur la taille, l’autre à hauteur du visage. Ou à la mode je te colle, je te veux, énorme. Ou encore à la mode ado, bras tendus, corps distants et raides comme des piquets… Bref, on s’est amusés, comme devaient s’amuser les clients de Pulse, la disco d’Orlando, avant de se faire massacrer. Quand il n’y a pas de mots, il est bon de danser un slow.