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Une Cité de la musique contre le repli

Depuis quelques semaines, les opposants au projet qui sera voté ce week-end se déchaînent. Mais pour Genève et son rayonnement, cette Cité qui ne coûtera rien au contribuable est une chance à ne pas laisser passer

© Cité de la musique
© Cité de la musique

Les Genevois, mais seulement eux, vont devoir choisir. La votation communale est bien regrettable pour une Cité de la musique à vocation aussi bien régionale, nationale qu’internationale. Mais c’est malheureusement le jeu de notre démocratie locale. Le bâtiment, dont l’architecte Pierre-Alain Dupraz rappelle que ses contours ont été revus depuis le projet présenté en 2017, soulève des polémiques aussi insensées que les argumentaires de certains opposants, qui s’avèrent hors sujet. Sur quelle réalité le choix va-t-il se porter?

Un entretien avec Pierre-Alain Dupraz«La Cité de la musique a subi un bon régime de minceur»

D’un côté, l’abandon aux herbes folles d’un terrain de l’ONU voué à la construction privée, dont on ne sait pas ce que l’avenir lui réservera si la Cité de la Musique est refusée. L’autre option? L’apparition d’un bâtiment arboré dont l’appellation purement musicale cache une réalité bien plus large. Car il s’agira d’abord d’un lieu d’enseignement professionnel pour les 500 élèves de la HEM (Haute Ecole de musique) et d’un espace de travail et de production enfin adapté pour les 120 musiciens de l’OSR (Orchestre de la Suisse romande) et leurs équipes administratives et techniques. Et des trois salles de concert, la plus grande – de 1580 places – pourra aussi accueillir les plus grands orchestres du monde, dans des conditions optimales. Mais la Cité sera aussi un lieu de vie, de culture, de rencontre et de musiques plurielles, avec un parc rendu public.

Notre éditorial: La Cité de la musique, un mélodrame genevois

Depuis des semaines, les réfractaires se déchaînent agressivement sur les réseaux sociaux. Certains s’appuient sur la visibilité de la Cité pour faire leur place au soleil. En cause? Le supposé élitisme classique: la transformation du projet ouvre les portes à toutes les expressions artistiques. La destruction d’une maison du XIXe siècle: elle n’est pas jugée remarquable. L’arrachage d’une centaine d’arbres: plus du double seront replantés. Le mépris du biotope: des espaces aquatiques et de verdure sont prévus. Un budget de fonctionnement public exorbitant: le projet ayant été notablement réduit, la somme initialement estimée à 13 millions a été revue à 2,5 millions.

Et le canton, censé loger la HEM dans des locaux adaptés, n’aura pas un centime à débourser. Le conseiller d’Etat Thierry Apothéloz s’est déclaré prêt à financer à la même hauteur l’accueil des musiques modernes qui se sentent lésées. Opération réussie pour les musiques actuelles.

Une interview de Thierry Apothéloz: «C’est maintenant qu’il faut investir dans la culture»

Les partisans du non passent sur l’essentiel: les près de 300 millions de la construction sont entièrement portés par des privés. La Fondation Wilsdorf en finance la quasi-totalité. Le cadeau est inespéré pour notre ville, dont le rayonnement fait la richesse.

Lausanne n’a pas hésité à faire sortir de terre son ambitieux Musée des beaux-arts et à l’associer au Musée de l’Elysée et au Mudac sur le site de Plateforme 10, un nouveau quartier des arts qui sera inauguré dans une année. A Genève, la Nouvelle Comédie, le Pavillon de la danse ou le Théâtre de Carouge promettent une glorieuse renaissance culturelle. Tous ces bâtiments largement subventionnés ont été approuvés par la population.

Un projet de l’envergure et de l’utilité de la Cité de la musique, gratuit pour le contribuable, serait refusé? On n’ose l’imaginer tant la situation serait absurde, et donnerait de Genève l’image d’une ville avaricieuse et repliée sur des valeurs d’un autre monde.