Une croissance suisse portée par l’Etat
Editorial
Ces 25 dernières années, c’est le secteur public qui a flambé pendant que l’industrie et le commerce de détail perdaient du terrain. Le secteur public ne pourra pas porter à lui seul l’économie suisse indéfiniment

Les statistiques ne le disent pas de façon évidente. Mais une étude attentive le démontre. Ces dernières 25 années, c’est surtout l’Etat qui a créé de l’emploi en Suisse. Alors que l’industrie souffrait de la mondialisation et du franc et le commerce de détail subissait les assauts des sites de vente en ligne, le domaine de la santé, de l’éducation, du social et de la culture a pratiquement doublé le nombre des places de travail qu’il offre.
Les dépenses publiques augmentent
Les chiffres officiels laissent un flou: l’Office fédéral de la statistique ne précise pas si les emplois concernent des entreprises privées ou des services publics. Mais lorsque l’on voit l’évolution des dépenses publiques en Suisse, au niveau de la Confédération, des cantons et des communes, on n’a plus guère de doutes: tous domaines confondus, elles ont suivi exactement la même trajectoire: elles ont pratiquement doublé sur la même période, tout comme les emplois dans la santé, le social et l’éducation.
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Faut-il le déplorer? Dans un premier temps, non. La Suisse n’est pas seule à observer ce phénomène, il est commun à toutes les économies développées, qui voient leur population vieillir, ce qui contribue à l’expansion du secteur de la santé. De même, l’accès plus large à l’éducation est positif, puisqu’il permet au pays de compter sur une main-d’œuvre qualifiée.
Mais, dans un pays qui se targue d’être libéral, que l’Etat soit devenu le principal moteur de la croissance et fournisseur de travail au cours des dernières 25 années, est paradoxal. Surtout, toute la question est de savoir si cette tendance est viable à long terme. Elle l’est, pour l’heure, puisque les dépenses publiques de la Suisse sont souvent égales, ou proches, de ses recettes. Elle l’est d’autant plus que les taux d’intérêt sont bas, voire négatifs, et que le pays peut financer sa dette facilement.
L’équilibre pourrait être rompu
Cette situation ne va pas durer éternellement. Le vieillissement va s’accentuer. Les dépenses de santé vont continuer à augmenter. Les taux bas vont remonter. L’équilibre pourrait donc être rompu, si les recettes publiques n’augmentent pas elles aussi. Or, les Suisses voudront toujours des soins et une éducation de qualité, ce que l’on ne peut pas leur reprocher.
L’Etat n’est pas le seul acteur de l’économie. Il faut compter sur lui pour fournir des conditions-cadres adéquates. Mais ce sont aux entreprises aussi d’innover pour être de nouveau un moteur de l’économie. Et créer de l’emploi.
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