ÉDITORIAL. Pierre Maudet a retrouvé les accents d’avant sa mise en cause judiciaire. Sa volonté de se présenter en victime d’un complot ourdi par ses collègues surprend. Sa démission offre une opportunité pour la gauche de faire basculer la majorité du Conseil d’Etat

Poussé dans le coin du ring par ses collègues, qui l’ont privé de toute activité, Pierre Maudet a riposté avec un crochet à la mâchoire. Le conseiller d’Etat a annoncé qu’il démissionne et qu’il sera candidat à sa propre succession. C’est le retour du puncheur, le Pierre Maudet d’avant l’affaire qui porte son nom. Alors que la nouvelle était la plus attendue du monde politique genevois depuis deux ans, il réussit à surprendre son monde.
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Depuis qu’il sait compter, le quadragénaire ne vit que pour la politique. Sans surprise, son analyse de la situation cantonale est lucide. Ce Conseil d’Etat est en manque de projet politique. La séquence en cours du budget 2021 le montre: le parlement est bien décidé à le réduire en charpie. Dans les urnes, des défaites en série ont affaibli l’exécutif cantonal. L’élu indépendant voit sa candidature comme une occasion de fixer un nouveau cap à la politique genevoise. En ces temps si incertains, où les raisons d’être insatisfait sont si nombreuses, la stratégie est habile.
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Le discours victimaire de Pierre Maudet passe cependant très mal. L’errance qui a parfois saisi le Conseil d’Etat est largement de son fait. Au printemps 2018, l’impulsion qui porte le collège nouvellement élu, c’est bien la sienne; celle d’un président, plébiscité au premier tour de scrutin, qui domine ses collègues. Le discours de Saint-Pierre, sorte de plan quinquennal à la genevoise, porte sa griffe. Très vite, ses mensonges et la découverte d’une personnalité duplice, avec l’avancement de l’enquête judiciaire sur le fameux voyage à Abu Dhabi, ont stoppé cet élan. Le Conseil d’Etat a longtemps été contraint d’improviser. La réorganisation par laquelle il a dû passer reste un fardeau.
Une démission aux prémices de l’affaire aurait circonscrit les dégâts à la personne de Pierre Maudet. Celle annoncée ce jeudi ne résout rien. Son éventuelle réélection empirerait la situation cantonale et rendrait la future collaboration avec ses actuels collègues invivable.
Une campagne électorale s’ouvre. Qui financera celle de Pierre Maudet, qui s’est déclaré sans le sou? Son action, dit-il, est appréciée par les acteurs de l’économie genevoise. C’est vers eux qu’il se tournera. La hauteur de sa récolte sera une première indication qui aura valeur de sondage. A gauche, cette démission est vue comme l’opportunité de renverser la majorité gouvernementale. Les dernières votations leur donnent des raisons d’espérer. Les Verts et le Parti socialiste éviteront-ils un scénario à la lausannoise? L’envie des premiers de prolonger la vague qui les porte depuis les fédérales va se heurter aux ambitions de plusieurs élus socialistes qui n’en peuvent plus d’attendre. L’extrême gauche saura s’inviter à la fête.
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Il y a 3 mois
Quel gâchis ! J’ai eu par le passé du respect et même peut-être de l’admiration pour Pierre Maudet. Sa principale erreur a été de ne pas démissionner à temps. Il aurait pu alors régler ses problèmes avec la justice, faire son mea-culpa, puis revenir plus fort avec le soutien de son parti et les électeurs auraient pu lui pardonner son erreur. Mais maintenant c’est probablement trop tard. Qui va soutenir un candidat sans soutien d’un parti ? C’est une élection qui semble bien compromise.
Il y a 3 mois
Merci pour votre article. Quels que soient les erreurs ou mensonges de Maudet, il faut reconnaitre à cette personne des qualités de gestionnaire, Lorsqu'il s'attaque à un problème, une situation difficile, il trouve des solutions. L'attitude de ses collègues de mandater une enquête sur son département me fait penser que c'est ne GENFEREI de plus. Pas digne de gouvernant. Le fait qu'il se représente même sans parti montre un courage certain. La droite ferait bien de réfléchir et savoir qui elle veut soutenir si elle veut barrer la route à la gauche. Je ne pense pas que le PLR aie un candidat qui puisse être élu.
Il y a 3 mois
In reply to (sans sujet) by ANDRE DUTRUIT
Cher Monsieur, les qualités politiques de Pierre Maudet sont nombreuses et reconnues par le corps électoral, qui l'a plébiscité. Mais c'était en 2018, avant toute une série de révélations, qui peuvent amener bon nombre d'électeurs à revoir leur jugement. Nous verrons cela au printemps prochain. Je trouve par contre votre jugement sur l'attitude du reste du Conseil d'Etat sévère. Ce collège n'est pas exempt de reproches, mais il se démène dans une situation dantesque provoquée en grande partie par Pierre Maudet. Si la situation des ressources humaines est telle que ce que les extraits du fameux rapport décrivent, leur intervention était justifiée. Merci pour votre commentaire et bonne journée, David Haeberli/Le Temps
Il y a 3 mois
Lorsque j'écoute une personne parler, discourir, j'écoute ce qui est dit et je dessine la structure verbale utilisée. Le comment tu parles révèle ta structure cérébrale. Pierre Maudet, de mon point de vue, possède une structure verbale indiscutable. Elle ne laisse aucune place à l'autre. On prend ou on ne prend pas. Cela révèle une grande force fermée, impressionnante certes, mais aussi une immense incapacité à se faire aider. Il me l'a dit. On pourrait parler d'un autisme politique haut de gamme. Quand la pâte du tube de dentifrice est sortie, il est impossible de la remettre dedans. Pierre, il faut juste changer de tube.
Il y a 3 mois
Une analyse fine et visionnaire , même si Monsieur Maudet est candidat à son propre poste tout en démissionnant... que deviendrait le Conseil d'état si par la plus grand des surprises il était réélu.
Politiquement parlant, ce serait le cauchemar assuré !
Il y a 3 mois
In reply to (sans sujet) by s. c.
Nous tenterons de répondre aux questions que pose cette démission durant la campagne qui s'ouvre. Merci et bonne journée,
David Haeberli/Le Temps
Il y a 3 mois
Merci pour votre réponse M. Aeberli et bonne journée
Il y a 3 mois
Excellent éditorial cher David Haeberli.. Une très belle analyse de la situation qui laisse bien évidemment un certain nombre de questions et qui auront leurs réponses au fur et à mesure de la campagne électorale qui s'annonce.
Savoir quels seront les moyens financiers de M. Maudet pour faire campagne (phyisique sur le terrain, en ligne avec les réseaux sociaux et autres Zoom, Googlemeet, etc. ) ? Quelle campagne faire selon la situation sanitaire de cet hiver?
Au delà du financement, qui soutiendra publiquement Maudet? Qui sera là pour l'accompagner et faire campagne pour lui? Le PLR va t'il se diviser avec des députés, des conseillers municipaux, des conseillers administratifs qui prendront part à la campagne de Maudet? Des membres et militants sur le terrain avec lui?
Il y a 3 mois
In reply to (sans sujet) by Alexandre Chevalier
Des questions auxquelles nous tenterons d'apporter des réponses, ces prochaine semaines. Merci et bonne journée. David Haeberli/Le Temps
Il y a 3 mois
C’est à mon avis un abus de droit de démissionner en restant membre du Conseil d’état. Tant qu’il n’a pas vraiment une vacance au sein du CdE a il n’y pas une raison légale pour une élection complémentaire! Si on tolère cela, les magistrats auraient eux même la possibilité de fixer une date convenable pour une réélection. Ne faudrait-il pas exiger de M. Maudet une démission sans délai pour empêcher son abus de droit ?!
Il y a 3 mois
In reply to (sans sujet) by Giusep Nay
Cher Monsieur, la situation pose un problème juridique inédit. Ce que l'on sait pourtant, ce qu'aucune disposition n'existe pour contraindre un magistrat à la démission, dans la Constitution genevoise. Cordialement.