Une prétention héréditaire?
La fille du patriarche de l’UDC a évoqué ce week-end de façon ambiguë mais bien dans la ligne de son géniteur, une candidature au Conseil fédéral. Elle ne vise pas le Conseil fédéral, «sauf en cas d’absolue nécessité, par exemple si l’UE nous mettait sous une forte pression économique».
Qui d’autre qu’un membre de la famille Blocher, encore novice en politique, oserait afficher une pareille prétention, peut-être nourrie par l’hérédité? Car il en faut de la prétention pour se mettre ainsi en réserve de la patrie, en se présentant d’ores et déjà comme un recours en cas de futures turbulences entre la Suisse et l’UE. Cela d’autant plus dans un système collégial où un membre du gouvernement fédéral n’a qu’un pouvoir limité.
Réflexion stratégique avisée
Les propos de Magdelena Martullo Blocher, publiés dimanche par Le Temps, ont été accueillis avec quelques sarcasmes à gauche et avec un intérêt mesuré ailleurs.
Un commentaire de la NZZ créditait toutefois lundi d’une vraisemblance et d’une avisée réflexion stratégique la perspective d’une éventuelle candidature au Conseil fédéral. Il serait difficile de s’opposer à une candidature féminine et le parti serait de toute façon gagnant, en cas d’échec comme en cas victoire. En cas d’échec, il pourrait continuer à entretenir sa victimisation. Et si elle exerçait un effet de repoussoir, la présence de la fille de Christoph Blocher sur un ticket UDC offrirait de belles perspectives à son coéquipier. Il y a là quelques idées à méditer dans la perspective de la succession d’Ueli Maurer. On ne saurait oublier non plus, dans ce contexte, l’obsession d’une partie de la droite de voir un chef d’entreprise faire partie du Conseil fédéral, qui ne demande qu’à se manifester même si l’expérience n’a guère été concluante.
L'Europe, éternelle ennemie
La façon dont cette péripétie s’inscrit dans la saga familiale n’est pas moins intéressante. Certains épisodes de la carrière politique de Christoph Blocher témoignent de ce que le sauvetage de la patrie n’était pas l’unique motivation de son engagement politique. Le goût du pouvoir, la revanche sur un départ difficile dans l’existence et certains traits de caractères paraissent l’avoir tout autant alimenté, avant que la blessure narcissique infligée par son éviction du Conseil fédéral n’en devienne manifestement le carburant essentiel.
Ce serait une bien belle vengeance pour le patriarche que de voir sa fille lui succéder au Conseil fédéral. Cela donnerait de plus une autre dimension à son histoire personnelle, celle du fondateur d’une dynastie vouée à un combat implacable contre un ennemi non moins implacable à ses yeux, l’Europe.