Les langues se délient enfin. Nous publions une enquête démontrant comment un département de la RTS a laissé pendant des années s’installer une culture du silence dont ont profité certains individus. Ceux-là, des cas isolés, ont abusé de leur position de pouvoir pour exercer diverses pressions dont certaines sont sans équivoque, auprès de collaboratrices et collaborateurs subalternes, stagiaires ou simples apprentis journalistes.

La vague #MeToo de 2017 n’a pas suffi à remettre en cause un mode de fonctionnement, dans une entité au moins, de la télévision publique. Dans la grande maison, même si des employés et des syndicats avaient depuis longtemps fait part de dysfonctionnements inacceptables, la direction a préféré préparer des plans de communication de crise plutôt que de prendre le problème à bras-le-corps. Il y avait pourtant urgence.

La déferlante s’abat aujourd’hui avec retard, mais avec tout autant de force que celle qui avait précipité l’affaire Buttet en 2017 dans le monde de la politique fédérale. Le Temps avait alors révélé à quel point il était difficile de travailler au parlement pour des femmes élues, mais aussi donné la parole à des journalistes, victimes de harcèlement. Notre enquête démontre que l’univers des médias n’est pas non plus immunisé contre ce type d’agissements.

Notre article: La RTS, Darius Rochebin et la loi du silence

Collecte de faits

Plusieurs rédactions ont travaillé ces dernières années sur les manquements de l’institution RTS au sujet d’affaires similaires, sans jamais toutefois aboutir. Si nous y parvenons aujourd’hui, c’est au prix d’un travail acharné et d’une minutieuse collecte de faits. Nous avons réuni près de trente témoignages sur plusieurs mois – avant que certains ne se désistent par peur des conséquences de leurs révélations.

L’intérêt public de cette affaire est évident. La RTS est une institution publique dont le mandat consiste à informer la population de manière libre et indépendante. Pour remplir cette mission, il est indispensable que ses collaborateurs puissent travailler en toute confiance avec leur hiérarchie dans un climat de sérénité. De toute évidence, ça n’a pas toujours été le cas.

Sous cloche

Pire encore, notre enquête démontre que tout a été fait pour mettre sous cloche des comportements inacceptables. Notamment au moment où les Suisses étaient appelés à voter sur la fin de la principale source de financement de la RTS, à l’occasion de la votation «No Billag».

Notre enquête s’attache notamment au comportement de Darius Rochebin, longtemps présentateur star de la RTS, qui a rejoint cet été la chaîne française LCI. Notre confrère est sans conteste un professionnel de premier rang et un intervieweur hors pair dans le monde francophone. Le Romand est connu loin à la ronde pour sa réussite professionnelle et incarne encore aujourd’hui, dans l’esprit de certains téléspectateurs, la RTS en Suisse et à l’étranger. Ce statut lui donne de grandes responsabilités: il fait figure de modèle pour la profession et le grand public. Il n’a pas été à la hauteur.


Notre revue de presse en août 2020: Alors, Darius Rochebin sur une autre chaîne que la RTS, c’était comment?