OPINION
OPINION. Les maladies auto-immunes ont longtemps représenté le parent pauvre de la recherche médicale. Mais de nouveaux traitements prometteurs sont sur le point de changer la donne

Plus de 100 maladies auto-immunes affectant les nerfs, les organes ou les tissus musculaires sont actuellement répertoriées par la science médicale. Les maladies auto-immunes sont la forme la plus courante de maladie chronique touchant 5 à 8% de la population mondiale – elles suivent de près les maladies cardiaques et le cancer. Le nombre croissant de nouvelles thérapies prêtes à être commercialisées pour ces maladies, auparavant incurables et difficiles à traiter, est à l’origine d’opportunités d’investissement dans l’industrie biotechnologique.
Alors que la science médicale ne cesse d’évoluer, les approches thérapeutiques ciblant les processus métaboliques sous-jacents remplissent les pipelines de recherche et de développement. Ces deux dernières années ont été marquées par une percée majeure dans le domaine de la myasthénie grave, une maladie neuromusculaire rare dans laquelle des anticorps mal dirigés perturbent la communication entre le nerf et le muscle ce qui a pour effet d’endommager la membrane musculaire. Il en résulte une faiblesse musculaire accompagnée de difficultés à respirer, à avaler et à parler.
Notre portefeuille compte actuellement trois sociétés, qui progressent cliniquement et commercialement, dans le domaine des thérapies auto-immunes.
Grande percée chez Argenx
La société belge Argenx nous a convaincus avec l’efgartigimod, un anticorps pour le traitement de la myasthénie généralisée. Vendu sous le nom de marque Vyvgart, l’efgartigimod est aujourd’hui le premier médicament approuvé aux Etats-Unis, en Europe et au Japon pour le traitement de cette maladie neuromusculaire. Vyvgart est un médicament biologique à activité immunomodulatrice dérivé du fragment cristallisable de l’immunoglobuline humaine. Comme il est trois fois plus petit que les anticorps classiques, il pénètre plus facilement dans les tissus et est efficace à faibles doses. Les résultats d’essais cliniques récents montrent que la version sous-cutanée de Vyvgart n’est pas moins efficace que la dose intraveineuse, qui a été la base de l’autorisation de mise sur le marché jusqu’à présent.
Depuis le début de l’année, Argenx a enregistré une forte croissance de ses ventes. Le chiffre d’affaires total au troisième trimestre s’est élevé à 227,3 millions de dollars (environ 212 millions de francs), soit une augmentation de 76% par rapport au trimestre précédent. Au rythme de croissance actuel, Vyvgart franchira la barre du milliard de dollars en 2023. Qui plus est, ce départ incroyable pourrait n’être que le début d’une histoire de croissance à long terme. La grande chance avec l’efgartigimod est qu’il utilise le même mécanisme d’action pour traiter cinq autres maladies auto-immunes, dont la thrombocytopénie immunitaire, un trouble hémorragique causé par la diminution des plaquettes. Si Argenx obtient l’autorisation de commercialisation pour toutes ces indications, le potentiel de ventes annuelles du médicament pourrait se situer entre 8 et 10 milliards de dollars.
Les nouveaux venus prometteurs
Celldex Therapeutics, société américaine, est particulièrement intéressante en raison de son produit clinique le plus avancé, le barzolvolimab. Ce traitement est le premier agent anticorps conçu pour empêcher l’activation des mastocytes. Les mastocytes stockent des messagers chimiques tels que l’histamine dans le système immunitaire et favorisent la stimulation des récepteurs d’immunoglobulines E, une classe d’anticorps. En se fixant à la surface des mastocytes, notamment dans les muqueuses, les anticorps peuvent déclencher des allergies ou de l’urticaire. Le barzolvolimab est actuellement en phase II des essais cliniques pour traiter l’urticaire chronique. Si les résultats sont favorables, le médicament pourrait être approuvé pour d’autres affections cutanées et pour certains troubles gastro-intestinaux.
Kezar Life Sciences est enfin très prometteur: son candidat le plus avancé, le KZR-616, est destiné à la gestion de trois maladies auto-immunes pour lesquelles il n’existe actuellement aucun traitement. C’est un inhibiteur d’immunoprotéasome qui prévient la production de cytokines pro-inflammatoires tout en augmentant l’activité des cellules T régulatrices. Des essais cliniques explorant l’efficacité du médicament dans l’hépatite auto-immune, la dermatomyosite, la polymyosite et le lupus néphrétique sont en cours. Le lupus néphrétique est une maladie auto-immune des reins potentiellement fatale. Les seules options thérapeutiques actuellement disponibles sont les immunosuppresseurs, souvent inefficaces. Kezar a rapporté des données préliminaires positives sur la réponse rénale dans cette indication.
De nouveaux médicaments ciblés devraient permettre prochainement de répondre aux besoins médicaux des maladies auto-immunes. Le flux de nouvelles cliniques et le nombre élevé d’approbations de produits stimulent l’ensemble du secteur biotechnologique et la forte croissance des ventes et des bénéfices devrait se poursuivre en 2023. Les valorisations restent à des niveaux attractifs, et il existe selon nous des opportunités d’investissement à saisir.
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