Le Pérou traverse actuellement une crise politique délicate. A cet égard, un certain récit reprend des déclarations loin de la vérité sur cette situation. Ainsi, la citoyenne péruvienne Lourdes Huanca, qui se trouvait récemment en Suisse, a déclaré au journal Le Temps, dans son édition du 27 janvier, qu’elle était convaincue que la chute de l’ancien président Castillo «avait été planifiée bien à l’avance pour protéger les puissants».

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Dans ce contexte, nous voudrions souligner que le 7 décembre dernier l’ancien président Pedro Castillo a organisé un coup d’Etat au Pérou en annonçant, à la télévision publique, la dissolution anticonstitutionnelle du Congrès de la République et en ordonnant aux forces de sécurité d’y intervenir, ainsi que d’intervenir dans le système judiciaire, le Ministère public, la Cour constitutionnelle et le Conseil national de la justice, ces entités chargées d’enquêter sur les allégations de l’ancien président dans des affaires de corruption et de crime organisé.

Les institutions publiques compétentes de l’Etat péruvien ont rejeté le coup d’Etat. Dans ces circonstances, le Congrès, usant de ses pouvoirs constitutionnels, a approuvé la vacance du poste du président Castillo, et le pouvoir judiciaire a ordonné sa détention préventive pour la commission présumée du crime de rébellion, tel que défini dans notre système juridique. La vice-présidente de l’époque, Mme Dina Boluarte, a assumé la présidence de la République par mandat constitutionnel donné le 7 décembre dernier, et l’ordre constitutionnel a été rétabli pacifiquement au Pérou.

Il doit être clair que la situation actuelle de l’ancien président Pedro Castillo a été causée par Pedro Castillo lui-même.

Cependant, cette crise politique a donné lieu à diverses manifestations de protestation dans différentes régions du pays comprenant, d’une part, des revendications légitimes visant à combler les écarts économiques et sociaux qui reflètent une dette historique accumulée au fil des ans. D’autre part, des manifestations ont dénaturé le droit de manifester pacifiquement, donnant lieu à des actes de violence, avec des attaques et des destructions d’infrastructures publiques (notamment les chemins de fer, les aéroports), de sièges d’entités publiques (commissariats de police, système judiciaire, Ministère public), et des fermetures de routes, menaçant la gouvernance démocratique et l’Etat de droit.

A la suite de ces manifestations violentes, des dizaines de ressortissants péruviens sont morts, endeuillant tout le pays, et des centaines de personnes ont été blessées, notamment des civils et des policiers. Par l’intermédiaire de ses hautes autorités, le gouvernement péruvien a profondément regretté la perte de vies humaines. Ces événements font l’objet d’une enquête de la part des organes compétents, qui jouissent d’une liberté et d’une autonomie constitutionnelles totales pour découvrir la vérité, et faire en sorte que les responsables soient jugés et punis conformément à la loi, et que les familles des victimes soient indemnisées.

Dans cette situation difficile, le Pérou réaffirme son engagement envers la promotion et le respect des droits de l’homme en tant que composante essentielle de la démocratie. En signe d’ouverture et de transparence, à l’invitation du gouvernement péruvien, des délégations de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) et un envoyé spécial du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) se sont rendus au Pérou et ont bénéficié des plus grandes facilités possibles pour l’accomplissement de leur mission. La CIDH et le HCDH présenteront tous deux leurs rapports et conclusions dans les semaines à venir, qui seront dûment évalués par l’Etat péruvien.

Pour surmonter ces défis à la gouvernance démocratique au Pérou, il faut instaurer un large dialogue, rechercher des accords et respecter l’Etat de droit.

Dans cette perspective, à l’initiative de l’exécutif et en réponse partielle aux demandes d’une importante partie des manifestants, le Congrès envisage d’approuver l’avancement des élections. Il est à espérer qu’une date pour les élections sera bientôt fixée, afin que le peuple péruvien puisse décider de son avenir dans la paix et la liberté, sans interférence. La préservation de la démocratie et de l’Etat de droit au Pérou est essentielle.

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