Le tournant monétaire de 2022 change la donne immobilière. Le Temps vous propose une série d'articles et de contributions externes pour prendre la mesure des enjeux qui en découlent. La thématique est à l'affiche du Forum Immobilier qui aura lieu le jeudi 4 mai, à 16h30, à Lausanne. Informations ici, inscriptions dès la mi-mars.

Retrouvez tous ces articles et contributions dans notre dossier.

Le marché de l’investissement immobilier a connu une évolution mouvementée en 2022: un 1er semestre très dynamique a fait place à un 2e semestre dominé par de fortes incertitudes, toutefois d’une ampleur moindre qu’à l’étranger. Replacée dans un contexte international, la Suisse bénéficie d’une plus grande capacité de résilience face aux turbulences internationales qui ont marqué 2022.

L’immobilier suisse moins vulnérable au choc haussier des taux d’intérêt

Parmi les facteurs de déstabilisation, la poussée de l’inflation, soutenue par la forte hausse des prix de l’énergie dans le monde. Or, elle a été de «seulement» +2,8% en Suisse en 2022 (contre +9,2% en Europe et +6,5% aux Etats-Unis) et est en baisse depuis cet automne. En effet, afin d’endiguer ce renchérissement, la Banque nationale suisse (BNS) a réhaussé ses taux directeurs de +175 points de base entre juin et décembre 2022.

Si l’inflation n’a eu, en soi, que peu d’effets sur les marchés immobiliers, la hausse rapide des taux directeurs a, quant à elle, impacté directement les rendements des obligations d’Etat, considérés comme le «taux sans risque» face aux taux de rendement de l’immobilier. Mais la progression des taux obligataires en Suisse (env. +110 points de base) est restée contenue par rapport à l’Europe ou aux Etats-Unis en 2022. Par conséquent, la remontée des taux de rendement immobiliers en Suisse a été plus modeste qu’ailleurs en Europe.

Le relèvement des taux directeurs a, de plus, impacté les coûts de financement immobilier, qui augmentent moins vite en Suisse, tandis que les taux d’endettement y restent encore faibles. Il est du reste assez fréquent pour les investisseurs institutionnels suisses de financer une opération d’acquisition sans avoir recours à la dette.

L’immobilier suisse reste une valeur refuge

Le caractère domestique du marché suisse permet en outre de limiter les fluctuations lorsque les investisseurs étrangers se retirent. Pour cause, la part de ces capitaux externes dans le marché immobilier suisse (10% - 15%) est nettement plus faible qu’en Europe (40%). En effet, en vertu de la LFAIE (loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger), l’investissement étranger en Suisse ne porte que sur de l’immobilier commercial, alors que c’est le secteur résidentiel qui domine le marché transactionnel. De plus, en période d’incertitude, le franc fort peut être perçu comme gage de sécurité et de stabilité pour des fonds étrangers.

Enfin, les fondamentaux du marché immobilier suisse sont plus favorables qu’en Europe. C’est surtout le cas du secteur résidentiel, où la Suisse affiche le taux de vacance le plus bas du continent et le taux de locataires le plus élevé, ce qui, couplé à une demande soutenue, consolide son statut de valeur refuge.

Tout cela ne doit pas éluder le fait que les stratégies d’allocation d’actifs se réadaptent au nouveau cycle du marché de l’immobilier de rendement. Nous avons effectivement constaté une baisse de l’appétit des investisseurs fin 2022, les volumes investis dans l’immobilier suisse ayant diminué de 23% sur un an.

Moins de capitaux à investir dans l’immobilier

Parallèlement, les nouvelles levées de fonds ont ralenti au cours de la deuxième partie de l’année 2022 puisque certains investisseurs institutionnels ont commencé à réduire leurs positions dans l’immobilier indirect au profit d’autres classes d’actifs, telles que les obligations, devenues plus attractives. Pour le reste, ces capitaux ont de plus en plus été réorientés pour rénover des immeubles en portefeuilles et pour diminuer les taux d’endettement de ces fonds immobiliers.

Ces évolutions risquent de limiter le potentiel de nouvelles acquisitions immobilières. Pour autant, une réduction drastique et durable des investissements dans la pierre est-elle à prévoir? Pour l’heure, il serait plus prudent d’anticiper une phase de normalisation faisant suite à une période exceptionnelle, qui reposait en grande partie sur un environnement de taux négatifs favorable au déploiement massif de capitaux dans l’immobilier.

Nouveau marché, nouveaux prix

Au-delà des questions de liquidité, le rapport déséquilibré entre acheteurs et vendeurs (au profit des seconds), prédominant sur le marché depuis des années, semble aujourd’hui s’inverser. Ainsi les attentes de prix des potentiels acheteurs ont été revues sensiblement à la baisse ces six derniers mois. La liquidité du marché reste encore importante en ce début d’année bien que certains investisseurs gardent une posture attentiste, compte tenu de nouvelles mesures qui pourraient être encore prises par la BNS. Pour 2023, nous prévoyons que le processus en cours de réévaluation des prix du marché par les acheteurs et les vendeurs atteigne un nouvel équilibre au cours des prochains trimestres.

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