Jamais procès au retentissement planétaire n’aura baigné dans une ambiance aussi délétère. Dès lundi, le Tribunal pénal fédéral, qui siège à Bellinzone, sera le théâtre d’une audience très particulière. Sur le banc des prévenus, du beau monde est attendu. Jérôme Valcke, l’ancien secrétaire général de la FIFA, Nasser al-Khelaïfi, ministre d’Etat au Qatar, magnat des chaînes sportives et président du Paris Saint-Germain, ainsi qu’un entrepreneur grec qui risque fort d’être absent. Avec comme toile de fond: la convoitise des droits médias pour les Coupes du monde de football et les petits arrangements sonnants et trébuchants en vigueur chez les affairistes du ballon rond.

Mais ce qui devait figurer parmi les dossiers emblématiques du parquet fédéral s’est transformé en véritable cauchemar. Les Football Leaks ont révélé une procédure qui navigue en eaux troubles, entourée de palabres secrètes et de méthodes obscures. Un scandale dans le scandale, qui a coûté son poste de procureur général de la Confédération à Michael Lauber et qui laisse un Ministère public très affaibli à l’heure de soutenir l’accusation dans une affaire aussi disputée. Quant à la FIFA, partie plaignante, elle réussit le tour de force d’être perçue comme le grand méchant loup de l’histoire.


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Malaise général

Comme si cela ne suffisait pas, le parquet n’est pas seul à donner l’image d’une institution chahutée qui manque de colonne vertébrale. Le Tribunal pénal fédéral, cour lointaine très peu prisée par les magistrats de qualité, traverse aussi une profonde crise interne allant jusqu’à organiser une «retraite» avec un spécialiste extérieur pour inculquer à ses membres quelques notions de décence, de courtoisie et de respect mutuel.

On pensait avoir atteint le fond? Que non. Le Tribunal fédéral lui-même, notre Cour suprême, la sagesse incarnée, défraye désormais la chronique pour une affligeante affaire de propos désobligeants, tenus en fin de séance par son président lors d’une commission administrative consacrée justement aux dysfonctionnements de Bellinzone, enregistrés par des micros encore allumés et divulgués par la presse. Résultat: la juge visée et offensée par lesdites remarques a porté plainte pour calomnie.

En résumé, on a donc un ancien procureur général qui sera bientôt sous enquête pénale pour s’être trop bien entendu avec le nouveau patron de la FIFA, un tribunal souvent dépassé par l’enjeu des dossiers et une Cour suprême qui vient de sauter à pieds joints dans le bac à sable. La justice mérite certainement mieux que cette pagaille générale.