Il est central pour la résolution de la crise du logement à prix abordable que d’en découvrir les raisons; la pénurie est chronique, dans le canton de Vaud, depuis des décennies. Pour s’y frotter professionnellement et sous divers angles, les soussignés ont acquis la conviction qu’un certain nombre d’idées toutes faites et d’autres, inventées pour l’occasion, comme il devient de fâcheuse coutume à l’ère dite de la «post-vérité», méritent d’être démenties dans le cadre de la campagne précédant la votation par le peuple vaudois sur la Loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL) le 12 février prochain.

Légende urbaine

La première légende urbaine qu’il faut relever est celle du désintérêt des investisseurs. Au contraire, l’expérience des milieux financiers et immobiliers démontre que nombreux sont ceux qui cherchent en vain des occasions d’engager leur argent dans des opérations foncières intéressantes. En cette période de taux bas, voire négatifs, les rendements offerts par le logement même à loyer modéré, restent fort attractifs, notamment pour les caisses de pension (dont la part d’actifs fonciers est toutefois limitée par la législation), les assurances et les fonds d’investissement.

En revanche, le manque de biens-fonds que leurs propriétaires sont disposés à faire construire, nonobstant le surdimensionnement des zones à bâtir, pose un gros problème. En particulier, les coopératives d’habitation pourraient mettre sur le marché bien plus d’appartements destinés à la classe moyenne et aux personnes de condition modeste, si elles trouvaient où les ériger.

Le propriétaire saura très vite à quoi s’en tenir

À cet égard, le droit de préemption est un outil utile pour diriger vers elles (via les communes ou le canton) ou vers tout constructeur aux objectifs comparables des terrains propices, qui trop souvent sont attribués à des projeteurs de logements plus chers.

Il importe ici de souligner que le droit de préemption permet uniquement de modifier l’acquéreur d’un objet et pas son prix. Il ne touche pas non plus les cessions entre proches parents, ni les parcelles non urbaines de moins de 1’500 m². Le propriétaire, qui saura très vite (soixante jours) à quoi s’en tenir, ne sera donc pas pénalisé. Rien à voir avec un droit d’emption qui, lui, forcerait le propriétaire à vendre alors qu’il ne le veut pas.

Compromis intelligent

Le mécanisme s’appliquera aussi aux rénovations, surtout douces plutôt que massives et coûteuses, maintenant des loyers bas ou très bas, comme les soussignés ont pu y contribuer dans leur fonction au sein de la Coopérative Tunnel-Riponne (CTR), à Lausanne, qui sauvegarde un véritable habitat populaire grâce à la mise à disposition de maisons anciennes par la commune de Lausanne. Il est fondamental de noter ici que la LPPPL ne durcit aucunement la législation sur les transformations, démolitions et rénovations, ni de manière générale ni pour les personnes handicapées, à l’inverse d’affirmations plus que hasardeuses proférées par les opposants.

Accepter cette loi sanctionnera un compromis intelligent et équilibré par le Grand conseil vaudois. Elle a d’ailleurs permis à l’ASLOCA de retirer son initiative «Stop à la pénurie de logements» au profit de la LPPPL. À l’inverse, dire non, c’est perpétuer la pénurie de logements.


Philippe Diesbach, administrateur de Patrimob, de la CTR et de plusieurs autres coopératives.

Luc Recordon, président de la CTR, administrateur bancaire, ancien conseiller aux États.

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