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AbonnéMichael Herzog, professeur à l’EPFL, nous parle de notre vision et pourrait nous rendre plus tolérant sur ce qui «est» la réalité. Ce que vous et moi voyons dans un lieu donné diffère, car nous n’avons pas le même cerveau, pas le même passé

Cet été, «Le Temps» a confié ses espaces dévolus aux opinions à six personnalités, chacune sur un thème et une semaine. Après l’avocat et chasseur de criminels de guerre Alain Werner (retrouvez toutes les tribunes sur la justice internationale ici), c’est au tour de Gisou van der Goot, professeure et vice-présidente de l’EPFL, de faire écrire ses invités, sur la science, le climat, mais pas seulement.
Nous ouvrons les yeux et percevons apparemment le monde directement et tel qu’il est, le même pour tous. C’est la position philosophique du réalisme direct, qui rend compte de notre intuition de la vision. Cependant, la question de savoir si nous pouvons faire confiance à notre intuition est débattue depuis des siècles. Par exemple, le philosophe John Locke s’est demandé au XVIIe siècle si certaines personnes pouvaient voir les couleurs inversées par rapport à d’autres. Ne se pourrait-il pas que lorsqu’une personne voit un objet rouge, une autre personne puisse voir ce même objet en vert? De même, le philosophe David Hume s’est demandé un siècle plus tard: si nous voyons le monde directement, comment se peut-il alors qu’il y ait tant d’illusions, c’est-à-dire de perceptions manifestement erronées du monde? Il en a conclu que nous n’avons pas d’accès direct au monde tel qu’il est. Il y a un élément entre les deux, nous ne voyons pas la réalité.