Volatilité des prix des denrées alimentaires: quelles solutions?
Opinion
Gilles Brunner, cofondateur de la start-up algrano, la première et unique plateforme en ligne qui connecte les producteurs de café aux torréfacteurs et leur permet de commercer en direct, tente de sortir du débat stérile entre les partisans et les opposants de l’initiative contre la spéculation sur les denrées alimentaires

Dans le débat autour de l’initiative des Jeunes socialistes pour supprimer la spéculation sur les denrées alimentaires, les positions sont bien tranchées. D’un côté, les initiants s’attachent à démontrer le problème posé par la spéculation et à quel point il est nécessaire de réglementer. De l’autre, les opposants, emmenés par le gouvernement et la branche concernée, nient ou réduisent le problème et fustigent une initiative inutile et dangereuse pour l’emploi et les recettes fiscales.
La discussion sur les solutions au problème de la volatilité du prix des denrées alimentaires paraît absente et l’industrie peu encline à changer le statu quo. Au-delà du débat pour ou contre la spéculation sur les denrées alimentaires, quelles sont les pistes pour limiter la volatilité des prix et diminuer son impact négatif évident sur les petits producteurs? La mutation en cours du marché du café nous livre des clefs d’analyse et des solutions.
En route vers des solutions concrètes
Le café vert compte parmi les dix matières premières les plus négociées au monde et plus de deux tiers du négoce de café vert passe par la Suisse. Sur ce marché gigantesque et pluriséculaire, il semble qu’il souffle un vent nouveau. «L’augmentation de la consommation de café de haute qualité sépare le marché du café en deux», expliquait récemment dans un article le Wall Street Journal. En effet, de plus en plus de torréfacteurs à travers le monde achètent des cafés de fermes spécifiques et se détachent complètement de la bourse. Les torréfacteurs négocient le prix avec les producteurs en fonction de la qualité des grains de café et de leur volonté de développer des relations durables avec ces producteurs. En retour, cette relation directe avec les producteurs leur assure une meilleure qualité et une transparence dans leur chaîne de production.
Un marché de niche à la belle croissance
Ce marché de niche a pourtant une croissance à deux chiffres depuis plusieurs années et, selon le Wall Street Journal, aux Etats-Unis, une tasse sur trois provient d’un café de haute qualité. En commercialisant des cafés de haute qualité directement, les producteurs gagnent le double voire le triple du prix de la bourse de New York. Ils ne sont ainsi plus sujets à la volatilité du prix sur le marché de café. Du côté consommateur, le coût supplémentaire par tasse se compte en centimes. En Suisse, entre un café bon marché et un café aux arômes exotiques et acheté directement auprès des producteurs, la différence se situe à environ 4 centimes par tasse! Un surcoût acceptable pas uniquement pour des gourmets philanthropes!
La «décommoditisation»
Le lien entre la financiarisation des marchés de contrats à terme et leur volatilité n’est plus à démontrer. Le débat idéologique a malheureusement manqué d’aborder les solutions. Le rapide développement des technologies de l’information dans les pays producteurs offre par exemple la possibilité de connecter de manière simple et efficace les producteurs et l’industrie alimentaire. Le développement de chaînes de valeur transparentes et inclusives et la «décommoditisation» des matières premières agricoles sont des voies sur lesquelles l’industrie devrait s’engager et innover.
Gilles Brunner est le cofondateur de la start-up algrano, la première et unique plateforme en ligne qui connecte les producteurs de café aux torréfacteurs et leur permet de commercer en direct. www.algrano.com
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