C’est devenu une certitude sur la Toile: le deuxième parti de France est celui de ceux qui ne sont pas allés voter, ou qui ont voté blanc (une enveloppe vide) ou nul (un bulletin non valide). «12% de vote blanc et 26% d’abstention, si ça c’est pas représentatif d’un râle le bol général (sic)… à quand une place pour les votes blancs?» se demande Yannou sur Twitter. Au total, plus d’un Français sur trois a voté blanc, nul ou s’est abstenu. Des millions d’électeurs ne se sont pas reconnus dans le duel Macron-Le Pen, et il faut les entendre: des centaines d’internautes appellent à une révision du Code électoral.

Ils se déchaînent pour commenter ce nouveau record battu en France dimanche: plus de 4 millions de bulletins blancs ou nuls ont été déposés dans les urnes. Or, ils ne sont pas pris en compte dans les chiffres retenus pour l’histoire, qui s’appuient sur les fameux «suffrages exprimés», alors qu’ils n’ont jamais été aussi hauts pour le second tour d’une élection présidentielle: le vote blanc et nul a quadruplé en deux semaines, passant de 950 000 bulletins à plus de 4 millions.

C’est deux fois plus qu’en 2012, huit fois plus qu’en 2007! se plaint un adjoint au maire Les Républicains du Var Thomas Berettoni.

De nombreux internautes soupçonnent le camp des mélenchonistes d’être un gros pourvoyeur de ces votes blancs ou nuls. Ils n’ont pas voulu s’abstenir, mais faire entendre leur «ni patron ni patrie» – écho moderne du «Blanc bonnet, bonnet blanc» du Parti communiste en 1969. «Si on avait la reconnaissance du #VoteBlanc, peut-être que le résultat de ce soir ne serait pas le même», réagit @FranceInsoumise, le compte officiel du mouvement de Jean-Luc Mélenchon.

Certains ont donc refait leurs calculs en prenant en compte les inscrits et non les exprimés, comme @Linguisticae et @ZabouF. Et les chiffres deviennent tout à coup très différents: le score officiel est de 66% pour Emmanuel Macron contre 34% pour Marine Le Pen, en tenant compte des suffrages exprimés. Mais les résultats en tenant compte du vote blanc ou nul donnent Macron 53%, Le Pen 32%, blancs ou nuls 12%. Et en tenant compte de l’abstention (en calculant donc les scores par rapport au nombre d’électeurs inscrits), les chiffres sont encore moins glorieux:

«Donc Le Pen a fini 3e dans un duel… J’avoue, j’m’incline» plaisante @Boblebarbu. Beaucoup d’internautes veulent se rassurer et y voient un symbole bienvenu.

D’autres y lisent pourtant un «simulacre de démocratie», comme @Solon. Si les internautes dénoncent ce déni de visibilité à des millions d’électeurs qui ne se sont pas reconnus dans l’offre politique du 2e tour, il y en a aussi qui redoutent les conséquences de cette démobilisation, comme le politologue Thomas Guénolé.

«Légitimité Macron = 43,07 du corps électoral = Attention, rue», prévient @fildelph. «La rue va bientôt parler» prédit aussi le compte officiel de Debout la France pour le XVIe arrondissement

A peine élu, déjà contesté. L'après-élection ne sera pas facile pour le plus jeune président français jamais élu. L’universitaire star et contesté Jacques Sapir, au pseudo explicite sur Twitter @russeurope, a exprimé des doutes sur le soutien à Emmanuel Macron dès les résultats connus.

Alors le vote blanc délégitimise-t-il cette élection? Il l’a au contraire... sauvée, selon le Parti du vote blanc – oui, cela existe, il existe même plusieurs communautés et groupes sur le Net. Sur sa page Facebook, ce petit groupe se réjouit: «Une fois de plus, en l’état actuel des choses, le vote blanc est un bon outil pour combattre les extrêmes. Le vote blanc a joué son rôle et minimisé le FN».

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