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Les images de montagnes de poubelles qui brûlent chaque nuit depuis le passage en force parlementaire sur la réforme des retraites, les policiers casqués qui poursuivent tant bien que mal et répriment de manière parfois musclée des casseurs masqués dont on ne sait pas bien qui ils représentent, les manifestations et les grèves massives qui se succèdent depuis un mois et qui, elles, représentent bien les deux tiers de Français opposés au texte… Tout cela peut donner l’impression d’une France au bord du gouffre, surtout vu de l’étranger. La mobilisation nationale prévue ce jeudi et les débordements qui ne manqueront pas de la suivre pourraient confirmer cette sensation de société au bord de la révolution ou de la guerre civile.

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La colère, très vive, est bien là, autour de cette réforme et plus largement. Mais il faut aussi rappeler que ce sont des événements auxquels ont dû faire face tous les présidents français des vingt dernières années. Chaque quinquennat a eu ses casseurs et ses blocages. Rares sont les grandes manifestations qui se terminent sans dégradations depuis François Hollande ou Nicolas Sarkozy (voire Jacques Chirac). Rares sont les réformes des retraites ou du Code du travail qui se passent sans grèves ni manifestations massives. Et on n’en est pas au stade des mois de débordements hebdomadaires et souvent ultraviolents qui ont suivi les manifestations des Gilets jaunes.

Les exactions sont devenues le lot des mouvements sociaux français, qui reviennent plus régulièrement que la Coupe du monde ou l’Euro de foot. Rien d’historique pour l’instant. D’autant que, beaucoup plus largement, en termes de crises, la France en a vu d’autres ces dernières années: vagues d’attentats, effondrement des partis politiques, confinements et couvre-feux. Et les Gilets jaunes donc…

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Dans le strict état actuel des choses, si on écarte le scénario d’une escalade radicale qui peut toujours arriver, le vrai danger, le vrai bord du gouffre, ne se trouve pas dans les mobilisations des jours qui viennent. Il se trouve en 2027. Cette multipolarisation, cette dramatisation à l’extrême du débat par ceux qui surfent sur la violence et cet isolement du gouvernement mènent effectivement tout droit à un rabougrissement du camp de la raison et à un duel présidentiel catastrophique pour la France entre Jean-Luc Mélenchon, incarnation de la colère insurrectionnelle, et Marine Le Pen, incarnation de la colère de plus en plus «notabilisée» et rassurante en apparence. Ou un affrontement entre leurs héritiers s’ils devaient ne pas se présenter. A trop regarder les poubelles qui brûlent, on risque d’oublier le vrai risque d’incendie. Peut-être même l’attise-t-on.

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