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Vue sur le monde. Réponse à Ben Laden

Dans cette adresse d'Oussama Ben Laden aux Européens, il n'y avait pas

Dans cette adresse d'Oussama Ben Laden aux Européens, il n'y avait pas que ce qu'on y a lu. Il y avait, bien sûr, une volonté de faire chanter l'Europe, de dresser ses citoyens contre ses gouvernements, pour l'amener à rompre avec les Etats-Unis en lui promettant, en échange, la fin des attentats terroristes sur son continent.

Ce message-là est clair. Comme tous les chantages, il ne méritait que la réponse qui lui a été faite, le refus de s'y prêter, mais, au-delà de cela, il y avait dans ce texte un évident, et fascinant, besoin de se justifier, de dire que les attentats d'Al-Qaida ne feraient que répondre à des agressions occidentales contre les musulmans.

«C'est vous qui avez commencé», paraît dire à chaque paragraphe le grand maître du terrorisme islamiste et l'on ne peut pas se contenter d'ignorer cette assertion. Il faut en dire la fausseté, ne pas laisser s'accréditer l'idée que l'Occident «agresserait» systématiquement l'islam, car il y a, derrière cette accusation, une volonté perverse, et formidablement dangereuse, de mobiliser l'ensemble des musulmans dans une guerre contre les «croisés».

«Les Russes, dit Oussama Ben Laden, n'ont connu la mort qu'après leurs invasions de l'Afghanistan et de la Tchétchénie.» Non, ce n'est pas vrai, car, outre que les Russes ne se sont pas heurtés au terrorisme en Afghanistan mais à une résistance nationale qui les a chassés de ce pays, ils n'y étaient pas allés agresser les musulmans. L'URSS y était allée défendre sa zone d'influence comme elle l'avait fait, auparavant, dans des pays aussi chrétiens que la Hongrie et la Tchécoslovaquie.

L'islam n'avait rien à voir là-dedans et, pour ce qui est de la Tchétchénie, si barbare que soit la guerre qu'y mène la Russie, elle n'est en rien, non plus, dirigée contre des musulmans mais contre un peuple qui veut faire sécession. Avant de refuser l'indépendance aux Tchétchènes, les Russes l'ont donnée à toutes leurs républiques – musulmanes – d'Asie centrale et, s'ils ne veulent pas se retirer de cette minuscule république caucasienne, s'ils ont le tort de vouloir s'y maintenir, c'est parce qu'ils ne veulent plus voir reculer leurs frontières après avoir perdu l'URSS.

«Les Européens, dit ensuite Ben Laden, ont connu la mort après leurs invasions de l'Irak et de l'Afghanistan.» Eh bien non, pas plus! Non, car, si les Européens ont, à juste titre, soutenu le renversement des talibans, ce n'est pas non plus parce qu'ils étaient musulmans mais parce qu'ils avaient prêté la main aux attentats de New York, à un crime de masse qui ne devait pas rester impuni. L'Irak alors? Là non plus l'argument ne tient pas car, pour imbécile, illégale et injustifiée qu'ait été cette guerre, on ne peut décemment pas dire que le renversement de Saddam, oppresseur sanguinaire d'un peuple musulman, ait été un acte d'agression contre l'islam, que le régime baassiste avait, au demeurant, si longtemps, et brutalement, combattu.

«Les Américains, dit enfin Oussama Ben Laden, n'ont connu la mort qu'après avoir soutenu les Juifs en Palestine et envahi la péninsule Arabique.» Faux! Toujours faux car, dans la décennie qui a précédé le 11 septembre, deux présidents américains, Bill Clinton et le premier George Bush, n'ont, au contraire, pas cessé de promouvoir un règlement de la question palestinienne, et que «l'invasion» de la péninsule Arabique désigne la guerre de libération du Koweït, d'un pays qui, pour autant qu'on sache, n'est pas bouddhiste.

Des croisades à la colonisation, l'Occident a beaucoup de torts historiques vis-à-vis de l'islam, presque autant que l'islam vis-à-vis de lui-même. C'est si peu discutable que ce n'est plus discuté, mais cela n'autorise en rien à dire que les chrétiens feraient aujourd'hui la guerre aux musulmans et que le terrorisme ne serait qu'une riposte à des agressions injustes.

Oussama Ben Laden ment. Il n'est qu'un illuminé, le Savonarole de l'islam, l'un de ces réactionnaires fanatiques contre lesquels toutes les cultures ont toujours eu à lutter.