Le choix du terrain revient certes à la partie américaine qui, du fait de son statut de première puissance, continue de prendre l’initiative des premières rencontres. En la matière, le choix de Mar-a-Lago est judicieux: Xi Jinping et Donald Trump ont en commun un même goût pour le kitsch. Des Mar-a-Lago, la Chine en compte par dizaines, les dirigeants communistes cultivant le même sens de la démesure que les magnats américains. Nul doute que ce soit donc là un terrain d’entente.

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Pour le choix des armes, il en va par contre très différemment. Le duel qui se joue en Floride entre les deux hommes les plus puissants de la planète apparaît, de fait, singulièrement inégal. L’aîné, Donald Trump, a beau mouliner les tweets menaçants en annonçant des «discussions difficiles», il fait figure de néophyte absolu face à l’un des hommes politiques les plus aguerris qui soit, sagement resté en retrait jusqu’ici.

Amateurisme et reculade

Alors que l’Américain découvre les arcanes du pouvoir démocratique à tâtons, le Chinois, au terme de quarante années de sueur et d’intrigues s’apprête à imposer sa pensée comme référence du parti et de la nation, à l’image de Mao Tsé-toung. Et face à une armée de diplomates chinois qui préparent ce rendez-vous depuis des mois, le Département d’Etat américain a été décapité, ses troupes, en lambeaux, sont démoralisées. Qui s’occupe de la Chine à Washington? Impossible de le savoir? Le beau-fils du président? Un économiste aux thèses simplistes sur le protectionnisme?

Pour négocier, Donald Trump pourrait avoir l’avantage stratégique de la surprise, un exercice que redoutent les dirigeants chinois. Mais cet avantage-là est caduc depuis la reculade sur la question de la Chine unique. Après avoir menacé de remettre en cause ce principe fondamental des relations bilatérales, le nouveau président est aussitôt rentré dans le rang offrant une victoire à bon compte à Pékin. Ses menaces pour régler seul la question nord-coréenne? Pour faire quoi et avec qui? C’est ridicule.

Pékin n’en demandait pas tant

Non seulement Donald Trump opposera peu de résistance à Xi Jinping, mais il lui ouvre un boulevard en dénonçant le traité de libre-échange transpacifique durement négocié par son prédécesseur et en promettant de se retirer du traité de Paris sur le climat. Des droits de l’homme? Il n’en sera plus question.

Xi Jinping permettra à son hôte de sauver la face en lui apportant sur un plateau d’argent des promesses d’investissement par milliards de dollars. La réalité est que la Chine qui n’en demandait pas tant pourrait bien marginaliser les Etats-Unis si Donald Trump ne se ressaisit pas rapidement.

L’absence de contrepoids opposé au pouvoir de Pékin est une très mauvaise nouvelle non seulement pour les pays voisins de la Chine mais pour sa population elle-même. La dictature chinoise ne peut sortir que renforcée de cette démission américaine.


L’article a été modifié vendredi 7 avril comme suit: ce n’est pas le traité de libre-échange transatlantique qui a été dénoncé par Donald Trump, comme indiqué par erreur dans une première version, mais bien le traité de libre-échange transpacifique.

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