Les 6 et 7 septembre 1955, la communauté grecque d'Istanbul était victime d'un déchaînement de violence de la part de vandales locaux. Bilan: le supérieur d'un monastère orthodoxe tué, de nombreux blessés et des femmes violées, 75 églises saccagées, plus de 5000 magasins et appartements pillés. Ces événements s'inscrivent dans le cadre du conflit de Chypre qui opposait sur l'île, alors colonie britannique, partisans de l'Enosis (union avec la Grèce) aux séparatistes turcs et dressait l'un contre l'autre Athènes et Ankara.

Un prétendu attentat contre la maison natale de Kemal Ataturk à Thessalonique servit de détonateur. Un journal turc à grand tirage publia même une photo truquée de la maison partiellement détruite en appelant à des représailles. Aussitôt des hordes de casseurs envahirent le quartier «européen» d'Istanbul suivant des meneurs manipulés par le gouvernement Menderes comme on le saura plus tard.

Cinq ans après, ce gouvernement fut renversé par un coup d'Etat militaire et les généraux au pouvoir traduisirent en justice les principaux dirigeants destitués. Le pogrom de septembre 1955 figurait en bonne place dans l'acte d'accusation. Le procès s'acheva par la condamnation à mort et l'exécution d'Adnan Menderes et de deux de ses ministres.

Le sort de la minorité grecque en Turquie ne s'en trouva pas foncièrement amélioré. En mettant fin à la dernière guerre gréco-turque, le Traité de Lausanne du 24 septembre 1923 a mis fin également à la présence hellénique en Asie mineure qui remonte à l'époque d'Homère. A l'exception toutefois de quelque 130 000 Grecs vivant dans l'agglomération d'Istanbul. Le pogrom de 1955 provoqua l'exode d'environ 50 000 d'entre eux. L'hémorragie devait se poursuivre avec les événements de Chypre en été 1974 et l'occupation du nord de l'île par l'armée turque.

Au début de 2005, le journal Hurriyet écrivait qu'à Istanbul il ne reste que 1244 citoyens turcs d'origine grecque…

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