Pascal Rambert, salves de mots, corps pour cibles
Le directeur du Théâtre de Gennevilliers, près de Paris, livre trois spectacles à Vidy-Lausanne. Deux sont des mises à mort sans merci. Récit

Une parole tsunami, une colère qui déferle tel un raz de marée. Et, en face, un corps qui encaisse, s'affaisse sous l'impact de l'attaque. Clôture de l'amour, deux monologues de rupture dressés l'un contre l'autre, relève du spectacle événement. Vu en 2011 au Festival d'Avignon, cet uppercut écrit et mis en scène par Pascal Rambert, et joué par les comédiens-guerriers Audrey Bonnet et Stanislas Nordey, appartient à ces chocs théâtraux qui restent gravés à vie (LT du 03.11.2011). Depuis, cette joute de la séparation a été livrée plus de 140 fois, traduite en 15 langues et saluée par de nombreux prix. Clôture de l'amour s'est produit à Genève en 2011, invité par le Grü, ancien Grütli. Il est repris à Vidy du 30 septembre au 4 octobre. Courez-y.
Pascal Rambert, directeur du Théâtre de Gennevilliers, près de Paris, ne s'est pas arrêté à ce coup de génie. Ce principe d'une parole cathartique, il l'a étendu à deux entreprises qui ont aussi marqué depuis. En juin dernier, les élèves sortant de la Manufacture, Haute Ecole de théâtre de Suisse romande, ont eu la chance de plonger dans ce verbe-fleuve qui charrie son lot de tensions et d'émotions. Dans Lac, fresque qui raconte la mort de Thibault, leader solaire, ces quinze jeunes comédiens appelés par leur prénom – c'est un principe chez Pascal Rambert - ont dit chacun, tour à tour, leur tristesse, espoir et colère sous la direction de Denis Maillefer. Exigeant dans sa quasi-immobilité et sa radicalité monologique, le spectacle a bouleversé (LT du 23.o6.2015). Audrey Bonnet, Stanislas Nordey, Emmanuelle Béart et Denis Podalydès. Dans Répétition, sa dernière création, Pascal Rambert est passé à quatre combattants du verbe, mais a conservé ce principe de monologue qui charrie sa dose de tremblements. Le thème? Durant une séance de travail théâtral, Audrey croit apercevoir un début d'histoire entre Emmanuelle et Denis. Elle l'énonce, le dénonce, s'enflamme sur fond de Russie, car Pascal Rambert a écrit ce texte de retour d'un voyage à l'Est et établit un parallèle entre le changement d'époque radiographié par Tchekhov fin XIXe et le désarroi d'aujourd'hui. Les autres rétorquent tout aussi chargés. Une salve rambertienne? Extrait de la partition d'Audrey: «Tu vois Emmanuelle il y a cette chose géniale parfois dans la vie ou sur scène où on a la parole une autoroute la priorité où tous les feux sont verts une fenêtre de tir Denis Emmanuelle une fenêtre de tir je suis dans un moment comme ça dans un moment avec fenêtre de tir le titre du tableau ce serait femme dans un moment avec fenêtre de tir ce serait femme dans un moment avec jet d'acide direct sur l'acte ou femme par la pensée en pleine désintégration de l'acte du moment où tu lèves les yeux vers Emmanuelle Denis». Précipité sans ponctuation, volcan en ébullition. La critique française a accueilli plus timidement cette nouvelle éruption de Rambert, l'an dernier, à Gennevilliers. On attend la salve pour quatre corps avec impatience et une certaine anxiété.