«Ce qui frappe, c'est que c'est une guerre.» Denis Olivennes, directeur de la publication du Nouvel Observateur, revient d'Afghanistan. Il y a découvert un conflit beaucoup plus sanglant qu'il ne l'imaginait. Tout comme la population française, après la mort de dix des siens dans une embuscade des talibans.
Erreur d'évaluation
«Il y a eu, tout à coup, une prise de conscience, y compris au sein des états-majors, que la mission de la coalition en Afghanistan était plus qu'une opération simili-humanitaire, relève Joseph Henrotin, chercheur au Centre d'analyse et de prévision des risques internationaux. Au départ, l'OTAN avait présenté les choses comme une intervention de maintien de la paix, afin d'obtenir des renforts.» Les pays engagés, ensuite, ont répercuté l'idée auprès de leurs citoyens.
Au-delà d'une intention de minimiser les risques, il y a eu, sans doute, une erreur d'évaluation. «Personne ne pensait les talibans capables de revenir», admet le général Loup Francart, directeur de la société Eurocrise. Leur retour s'est fait progressivement, sans que les médias en rendent compte au quotidien. L'attention, aussi, était largement focalisée sur l'Irak. «Les Américains ont beaucoup plus communiqué sur l'Irak que les Européens sur l'Afghanistan, souligne Joseph Henrotin. La presse a relayé les déboires des GI à Bagdad, mettant en scène tout ce qui pouvait nuire à l'administration Bush.»
Le fait que deux opérations soient menées de front en Afghanistan n'a pas favorisé la lecture des événements. «La population afghane, comme la communauté internationale, ne distingue pas la lutte américaine contre Al-Qaida de la présence de l'OTAN pour stabiliser le pays», souligne Alain Délétroz, vice-président d'International Crisis Group. La concomitance d'objectifs plus ou moins valables et réalistes - instaurer la démocratie, éradiquer la culture du pavot, l'islamisme et la corruption, dévoiler les femmes, sécuriser la région - contribue à brouiller les pistes, sur le terrain et dans les esprits.