Ces abeilles butinent souvent des plantes spécifiques et pondent dans des lieux de nidification originaux: certaines d’entre elles se nichent dans des coquilles d’escargots, d’autres dans des murs, du bois ou encore dans des tiges de plantes. Le problème, c’est que certains de ces habitats très particuliers disparaissent.
Or, il est essentiel de les protéger, car ces insectes solitaires sont assidus. On leur attribue près des deux tiers de l’activité de pollinisation dans les cultures agricoles.
Plus efficaces
Pour polliniser par exemple un hectare de verger de pommiers, la présence de plusieurs dizaines de milliers d’abeilles domestiques est nécessaire, alors que quelques centaines de femelles d’abeilles dites «maçonnes» suffisent, illustre le biologiste Andreas Müller dans le dernier numéro du magazine alémanique «Ornis» de l’ASPO/BirdLife Suisse.
Une observation corroborée par une étude britannique en 2007. Seul un tiers de la pollinisation de la culture agricole s’effectue par des abeilles domestiques, le reste est réalisé par les abeilles sauvages et les bourdons. Ces derniers volent d’ailleurs plus volontiers par froid ou mauvais temps et butinent des plantes mal-aimées des abeilles domestiques.
Au total, 80% des plantes en Suisse sont dépendantes des abeilles et de la pollinisation. Dès lors, il n’est pas étonnant que leur disparition inquiète les protecteurs de la nature, mais aussi les agriculteurs.
Effet sur la biodiversité
Dans l’évolution, les abeilles ont émergé lorsqu’elles ont commencé à nourrir leurs larves avec du pollen, plutôt qu’avec des proies qu’elles avaient tuées. Les abeilles sont en quelque sorte des «guêpes végétariennes», explique Andreas Müller.
Ce phénomène a donné un sérieux coup de pouce à la biodiversité des plantes à fleurs et les abeilles ont commencé à se spécialiser de plus en plus. Actuellement, on répertorie quelque 230 000 plantes à fleurs et environ 20 000 sortes d’abeilles. En Suisse, elles sont à peu près 600.
Certaines espèces ne peuvent en revanche se nourrir que d’une seule plante. Elles font parfois 40 allers-retours entre leur habitat et leur fleur de prédilection pour remplir une seule cellule de couvain. Or si cette plante disparaît, l’abeille disparaît avec.
Entre 38% et 68% des abeilles sauvages sont menacés par un tel sort en Europe centrale, selon les régions. En Suisse, elles seraient quelque 45% d’après une liste rouge datée de 1994 qui est en train d’être actualisée. Environ 10% ont disparu au siècle dernier.
A noter toutefois que certaines espèces qu’on croyait disparues depuis plus de cent ans sont parfois redécouvertes. Ou découvertes: comme une toute nouvelle espèce d’abeille maçonne répertoriée en 2002.
Refuge en ville
Vu la particularité de leur habitat ou leurs «habitudes alimentaires», ces abeilles trouvent leur bonheur uniquement dans un environnement naturel. Cependant, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce type de confort peut exister dans les zones urbaines.
Ces dernières accueillent une diversité d’abeilles sauvages étonnante, relève une nouvelle brochure de l’ASPO/BirdLife Suisse sur les abeilles dans les zones urbaines. Les villes peuvent parfois s’avérer un meilleur refuge que les zones de cultures traitées.
Moins de pesticides, températures plus clémentes, floraison abondante dans certains parcs ou encore espaces de nidification insoupçonnés, les villes peuvent en effet offrir de nombreux atouts.